Journal d’une première fois

Date
Du 02 août 2020 au 08 août 2020

Durée
1 semaine

Type de sortie
Exploration/Première/Désobstruction
Département
Pyrénées Atlantiques (64)

Massif
Pierre Saint Martin

Commune
Sainte-Engrâce

Photos





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Descriptif / Compte-rendu
Voilà 1 an que j’attendais ce moment, je vais enfin rejoindre ce 02 Août 2020 une équipe participant à l’effort d’exploration du massif de la Pierre saint Martin.
L’équipe en question est « l’interclub du ROMY », leadée par Franck MACIEJAK, un spéléo de la ligue du Nord qui n’en est pas à son coup d’essai.
L’équipe regroupe de nombreuses personnes venant de toute la France (Le Nord, Les Bouches-du-Rhône, l’Isère, l’Allemagne et L’Île-de-France) et ayant des profils spéléo très impressionnants (Pratiquant depuis au moins 30 ans, CT SSF, ancien président EFS…). Et bien sûr que de bonne volonté et de bonne ambiance au sein de cette équipe qui me promet une semaine riche en histoires et en aventures.

Dimanche 02 Août :

Départ de Lyon à 7h du matin pour rejoindre la Pierre. Le trajet est long mais la promesse de me retrouver au fond de la vallée du gave de Sainte-Engrâce me donne du baume au cœur et fait paraître ce temps plus court.
J’arrive finalement au camping d’Ibarra vers 17h30 où je suis accueilli par Matthieu et Laura, deux membres de l’interclub qui m’aident à planter ma tente et me font un rapide point sur ce qui s’est passé les semaines précédentes.
Au bout d’une heure toutes les équipes qui étaient parties pour la journée sont revenues et je fais la connaissance de Franck, celui qui m’a invité à ce camp et qui sera également mon binôme de la semaine.
Le repas terminé, nous nous fixons les objectifs du lendemain et Franck me propose de visiter le ROMY, la « classique » du camp, avec 2 objectifs, rééquiper le gouffre (dont les cordes sont restées dans le trou mais rangées), et équiper un petit puits dans du schiste en prévision de réaliser une escalade dans les amonts du collecteur.

Lundi 03 Août :

Réveil à 8h, la nuit a été fraîche, comme toujours du côté français de la Pierre, et je me lève dans le brouillard de fond de vallée. Mon duvet ne fait plus l’affaire, mais dommage, je n’ai que celui-là pour le reste de l’été, je vais faire avec.
Le petit-déjeuner traine et finalement Franck et moi partons seulement vers 10h du camp. Il faut environ 30 minutes pour rejoindre le chalet de l’ARSIP, départ du chemin menant à la zone de prospection de l’interclub ROMY, le Braca de Barlagne, dont les eaux ressortent dans la vallée d’Issaux.
Ce versant nord du massif est un lapiaz forestier ressemblant par endroit aux zones karstiques que je connais plus (Doubs, Jura), et est d’une puissance deux fois moins importante que les autres zones, comme celle du Soum Couy (200m seulement).
Du fait de ce côté frais, difficilement praticable et moins puissant, peu de spéléos se sont penchés sur ce versant du massif qui reste en grande partie vierge et ou de grandes découvertes sont encore à faire.

Une fois arrivé au parking je prends mon sherpa contenant toutes mes affaires et nous entamons la marche qui va nous mener à l’entrée du ROMY (42.983138, -0.722437), une marche de 45 minutes a flanc de montagne sur un chemin chaotique mais heureusement très bien balisé par les équipes qui nous ont précédées.
L’entrée du gouffre en vue je pose mes affaires mais nous ne nous équipons pas…. En effet Franck avait oublié ses affaires à un autre gouffre la veille, le BB270, se trouvant à encore 45 minutes de marche.
On se met donc en route pour aller chercher le matériel, profitant de l’occasion pour me montrer un autre chantier d’exploration de l’interclub.
Cette fois le chemin est plus complexe, le balisage est présent mais le chemin quasiment neuf est à peine visible, et donc la marche est encore plus hasardeuse que pour venir au ROMY.
Ses affaires retrouvées, nous retournons au ROMY et midi passé, nous décidons de manger. Le constat de l’heure avancée nous fait changer nos plans, plus question de descendre dans le ROMY, ce qui nous ferait sortir vers 21h et donc rentrer vers 22h30, à la place nous irons prospecter dans une zone peu visitée au sud de notre position, entre le ROMY et le chemin du GRP.
L’accès n’est pas commode car aucun chemin ne passe par là, la zone étant trop défoncée, même les brebis ne s’y aventure pas.
Nous passons donc l’après-midi dans cette zone déchiquetée où la progression est extrêmement lente car pour avancer de 10m il faut escalader puis descendre de 5m !
Le bilan reste cependant positif à la fin de la journée car nous avons trouvé une douzaine de gouffres potentiels dont un d’une cinquantaine de mètres de profondeur, et un déjà marqué mais jamais mentionnée dans la littérature. Les douleurs de mes jambes pas encore adaptées à ce milieu n’auront pas étés vaines.

Mardi 04 Août :

Aujourd’hui, reprise des objectifs d’hier. Plus rien ne nous retient, et nous partons en direction du ROMY, cette fois-ci avec toutes nos affaires prêtes et disponibles.
L’entrée est un puits de 15m qui s’ouvre dans un talweg, d’où sort un fort courant d’air froid. Ce massif est caractérisé par ce courant d’air froid qui souffle aussi fort que les journées sont chaudes, cet indice aide beaucoup lors des prospections pour juger de l’intérêt à porter à un nouveau gouffre (si pas d’air → pas d’acharnement, et inversement).

Les puits du ROMY s’enchaînent bien, mais attention, deux puis de 45 et 30 m sont rempli de petits éboulis qui au moindre regard de travers n’hésitent pas à glisser et sauter sur la personne nous précédant.
Lorsque nous arrivons au P45 qu’il fallait rééquiper, Franck dut prendre son temps car la corde et les amarrages étaient quelque peu récalcitrants, ce qui m’a donné l’occasion de vérifier un point majeur de ce gouffre : sa FRAÎCHEUR !
Une fois en bas du puits et mis en sécurité, Franck me donne le feu vert de la descente.
Le P45 est joli et agréable à parcourir car fractionné en quatre parties, avec à côté d’un frac pendulant une poignée en sangle qui aide bien (j’apprendrai plus tard que cette « poignée » est en fait une aide pour pénétrer un méandre menant à un P100 pas encore exploré… Avis aux amateur-e-s).
Nous arrivons finalement en deux heures en bas des puits dans la salle des fonctionnaires, une salle d’effondrement où se côtoient calcaire et schistes, typique de la zone.
Un petit repas bien mérité et nous entamons la remontée dans les amonts (durée estimée à 1 heure, facile).
D’abord la galerie Bolino, puis la galerie E.T (parce que quand tu es dedans, tu veux une seule chose : rentrer à ta maison !), le boyau du fluide glacial et son terminus en apothéose pour arriver à une des rivières (oui oui il y en a au moins 2 qui ne se rejoignent jamais) !
Une fois la rivière atteinte, il ne reste qu’à la remonter sur 200m et prendre une escalade plus ou moins douteuse dans un éboulis de schiste (40 m quand même !) pour arriver en haut du puit/ressaut à équiper.
Ici une seule solution : équiper dans du schiste pour atteindre 5m plus bas la masse calcaire (étrange configuration au passage). Donc ceinture et bretelle, on met 4 amarrages multi-monti de 8cm dans la schistouille et on traverse 5m plus bas pour atteindre le calcaire de l’autre côté du puit.
Un dernier petit jet de 5m et nous voilà en bas de l’escalade envisagée : 5m de calcaire, 5m de schistouille et 10m de calcaire dans une cheminée d’où pourrait venir le courant d’air.... Mais avant d’entreprendre de gros travaux, une inspection de la petite salle s’impose, et c’est par une petite lucarne au sol que semble venir le courant d’air. Piste à creuser et à vérifier avec un fumigène.
L’horloge tourne et il est maintenant temps de ressortir. On cherche un autre passage pour désescalader les blocs de schiste et possiblement de le sécuriser avec un bout de nouille. Bingo, un passage semble bon, on reste dans le schiste donc on aura besoin de longs amarrages. Début des hostilités pour poser les deux multi-monti, mais le perfo en aura décidé autrement et nous abandonnerons après un forage de 3cm… Opération à répéter.
La sortie se fait bien, toujours en respectant la distanciation (non pas sociale mais sécuritaire) dans les puits et nous voilà ressortis, il est 19h30 et nous venons de gagner 25°C.

Mercredi 05 Août :

Ce matin les équipes se séparent, quatre d’entre nous partent au petit matin pour la traversée de la PSM par l’entrée tête sauvage, ce qui nous laisse tout le loisir de choisir ce que nous voulons faire, et c’est sur de la désob de surface au BB260 que nous jetons notre dévolu.
Le BB260 est un gouffre se trouvant à la croisée de deux failles, soufflant un fort courant d’air froid et …. à 1h40 de marche du chalet du Braca (chalet de l’ARSIP) !
Avant de partir, Franck me montre comment préparer le matériel de désobstruction et me brief sur la procédure, j’ai hâte !
Nous voilà donc partis pour le BB260 et en passant près du ROMY, nous récupérons le baudrier de Franck et les combis pour travailler confortablement.
Arrivés au 260, il est l’heure de casser la croûte. On se place au sommet de la doline du 260 pour profiter du soleil car 3 m plus bas ses rayons ne sont plus que souvenir et un vent glacial me souffle entre les omoplates (mer*e j’aurai dû prendre ma sous-combi aussi).
Début des travaux, Franck commence la tâche, tout va bien, la faille d’entrée est largement agrandie et on passe maintenant de face pour atteindre le sommet d’un puits estimé à 12 – 15 m.
Franck me cède ensuite la place mais n’étant pas vraiment téméraire, je fais rapidement demi-tour car je n’aime guère jouer du marteau au-dessus d’un puits sans baudrier ni corde pour m’assurer…
J’occuperai donc la fin de ma journée à assister Franck, et à poser une corde de sécurité pour qu’il puisse continuer la désob (je n’y suis pas allé car évidemment je n’avais pas pris mon baudrier… #blaireau).
La fin de la journée fut décrétée lorsque tous les consommables furent consommés.
Bilan de la journée : passage ouvert, puits accessible, ne reste qu’à revenir le lendemain avec une corde et des amarrages pour descendre le puits (un peu péteux quand même) et trouver l’origine du courant d’air.

Jeudi 06 Août :

Ce matin les muscles tirent pour tout le monde. Les traverseurs sont sortis hier en fin de soirée et on a un peu de mal ce matin, mais l’annonce de l’ouverture du BB260 motive Manuel et Damien à faire la marche pour aller voir ce qui se passe derrière la faille qu’ils avaient ouverte avec tant d’acharnement.
Au dernier moment Alexis lance un appel à la population pour trouver un partenaire de canyon. La journée s’annonce très chaude et l’envie de faire plouf l’emporte sur la marche de 3h30 pour aller au BB260, je décide donc de le suivre dans sa journée de repos.
Mais évidemment Murphy n’était pas d’accord, mes affaires nécessaires au canyon étaient restées au ROMY…. Et c’est parti pour un aller-retour gratuit pour récupérer mes chaussures et mon casque, mais cette fois je me fixe l’objectif de faire le chemin complet en moins de 2 heures (route comprise), ce qui me laisse 2 fois 30 minutes pour faire le chemin (seul) depuis le Braca.
C’est là que la précision et l’efficacité du balisage ont fait leurs preuves car la mission fut réussie, et je réussi à rentrer au campement pour midi !
Un petit pique-nique sur le pouce et nous voilà partis pour le canyon d’Oilloki (https://www.descente-canyon.com/canyoning/canyon/2970/Oilloki.html).
Le canyon de développe dans le calcaire mais est assez glissant. De plus notre plan consistant à se mettre dans un canyon avec de l’eau fraîche échoue lamentablement au moment où on se rend compte que le canyon est à sec.
Peu importe au moins on est à l’ombre et les quelques vasques (douteuses) nous permettent quand même de nous maintenir à une température convenable.
Le canyon doit être magnifique en eau, mais nécessiterait un gros nettoyage car la moitié des obstacles sont obstrués par diverses troncs et branchages qui les rendent désagréables à passer (voir dangereux pour certains). Beaucoup d’amarrages sont cachés dans les racines ou des AN discrets, cela rend le canyon amusant, par contre certain ressauts/toboggans mériteraient un équipement (ou alors plus visible car on ne les a pas trouvés).
Fin du canyon par une belle verticale de 18m qui a failli me garder coincé, et arrivé au point de jonction des gorges de Kakouetta, c’est magnifique. Retour au camp à 17h, avec un canyon parcouru en 2h30 (24 obstacles quand même !).
Le soir, retour des équipes dont celle du BB260 qui nous annonce que ça queute ! (leur pessimisme les perdra) et qu’ils ont profité de la journée pour visiter le BB300, un autre gouffre en croisement de failles rapporté comme soufflant, qui selon eux ne soufflait pas…. Une bien mauvaise journée pour eux….
Mais Franck, entendant ces nouvelles ne se laisse pas abattre et décide pour le lendemain que nous irons à notre tour vérifier ces deux trous.

Vendredi 07 Août :

Réveil matinal, la journée va être chargée. Nous formons un trinôme cette fois-ci avec Samuel qui vient de nous rejoindre. L’objectif est simple, aller mettre un fumigène en bas du BB260 pour voir si le courant d’air vient ou non de cette salle, et au passage récupérer un marteau qui avait glissé en bas du puits hier. On se met en route et on traîne quelque peu car Sam porte son gros sac et la fatigue se fait sentir.
Nous arrivons cependant sans encombre au BB260 à l’entrée duquel le froid est toujours aussi mordant (il doit y avoir un sacré volume là-dessous quand même).
Afin de limiter les risques d’accident par pierres qui tombent, seuls Franck et Sam descendent au fond du BB260.
Une fois en bas ils observent la petite salle de 25m2 et repèrent quelques petites fissures potentiellement intéressantes. Afin de confirmer leurs suspicions ils allument un fumigène qui s’évacue très rapidement et met en évidence un courant d’air provenant d’une petite faille située à leurs pieds.
Les recherches peuvent alors se poursuivre. Problème, la faille fait 15 cm de large et on n’en voit pas le bout…. Il est préférable pour le moment de faire de la prospection en surface pour trouver un potentiel accès amont plutôt que de se lancer dans le chantier titanesque de la désob de cette petite ouverture.
Travail à suivre.
Une fois les affaires rangées nous partons en direction du BB300 pour vérifier ce que l’autre équipe nous a rapporté hier.
Ce gouffre est en forme de croix du fait de sa nature même : la rencontre de 2 failles perpendiculaires. Il faut maintenant trouver l’accès le plus aisé pour descendre : soit par le haut avec un jet de 30m mais un accès acrobatique, soit par le bas en descendant un pan incliné qui se termine par une verticale de 10m.
Personne ne se sentant d’aller en haut, je pars donc par le plan incliné accompagné de tous les frottements non nécessaires ; Arrivé en bas, rien, plus de courant d’air (perceptible), juste un névé en train de fondre. J’inspecte le fond de l’effondrement, mais je ne vois rien de très prometteur. Il est temps de remonter.
Mais là, problème… ça frotte de partout ! Je remonte doucement les 10 premiers mètres pour rejoindre le plan incliné où le frottement sera plus simple à gérer.
Et en fait NON ! Sous les feuilles mortes se trouvent de nombreuses petites pierres, vestiges de l’effondrement passé qui a ouvert mon passage, qui profitent du mouvement de la corde pour venir me rejoindre à une vitesse bien trop grande à mon goût… La remontée est tendue et stressante, notamment quand un de ces petits monolithes passe à proximité de mon visage.
Une fois en haut je souffle un bon coup et me jure que la prochaine fois, même si j’ai peur comme jamais, je passerai par la verticale, ça évitera de mettre ma vie en jeu…
Bref… Retour au ROMY où je récupère l’intégralité de mes affaires car c’est pour moi le dernier jour de l’aventure.

Samedi 08 Août :

Dernier jour pour moi cet été, jour de départ. Je plie mes affaires (en profite pour oublier ma serviette de bain), et j’accompagne Matthieu et Franck à l’AG de l’ARSIP. Moment de rassemblement et aussi d’une certaine importance car cette année est une année élective. C’est aussi un bon moment pour comprendre comment fonctionne cette merveilleuse association qui fait vivre le massif de la Pierre, ainsi que ses déboires.
Une fois l’AG terminée nous nous retrouvons au chalet du Braca pour le rassemblement annuel pendant lequel chacune des équipes présente ses avancées et ses projets pour l’année à venir.
Je ne résumerai pas cela ici car je risque d’oublier des choses importantes mais vous laisse le plaisir de lire le prochain ARSIP info. Tout ce que je peux vous dire c’est que globalement, de beaux projets sont à venir l’année prochaine (jonction participative de 2 réseaux entre autres).

Bilan :

Une semaine et une équipe formidable à la Pierre, pas une seule goutte d’eau, mais de nombreux verres de vin en bonne compagnie.
Une semaine c’est trop court, alors l’an prochain je m’en réserverai 2 !


Participants

Clément N.

Commentaires

Commentaire posté par Clem le 02/09/2020
*Update*
Je viens de recevoir la facture du camp...
Si cela peut vous aider à venir avec moi l'an prochain, sachez qu'une semaine de camp (camping + bouffe + alcool etc etc) m'a coûté la fortune de 100€.
Voila voila, des vacances cool et pas chères, que de bon arguments :)

Commentaire posté par Alain (AGre) le 27/08/2020
Eh le chalet du Bracas serait bien aussi pour votre equipe du Romy. Avec le Covid on avait une derogation pour poser les tentes autour du chalet. A voir pour l'annee prochaine?
Merci Clement pour ce CR.
Le CR du camps Amalgam (bon cru 2020) est visible sur le site du GAS (Gers) http://gaspeleo.over-blog.com/2020/08/le-camp-d-ete-amalgame-2020.html