

Récit sous le regard de Katy :
Alors que le week-end d'initiation à Savonnières approche à grands pas, la journée d'initiation au Puiselet, où nous avons été familiarisés avec le matériel et les techniques de corde de base, me paraît loin, très loin, et l'excitation infinie d'aller enfin visiter une grotte (une grotte ! une vraie groooootte !!!) se mêle à une espèce d'angoisse à base de "j'ai tout oublié/j'ai rien compris/je maîtrise que dalle".
Déjà que je dois faire un effort conséquent pour me rappeler que le bidule du pied s'appelle un pantin, et celui avec lequel on descend un descendeur. La corde et le baudrier ça va encore, je m'en souviens car ce sont des termes que j'avais déjà croisé dans ma vie.
J-2, y'a des inscrits pour le covoit' dans ma voiture électrique, j'ai jamais fait plus de 60km avec, on va dire que ça ajoute un peu de piquant à l'aventure.
J-1, à peu près trois cent douze messages par heure dans le groupe pour s'organiser, qui-récupère-quoi-où-quand-comment-avec qui, tout le monde assure, les préparatifs et la logistique sont gérés, on est prêts !
Jour J, ça y est c'est le départ, on se retrouve vers 18h vendredi au local pour récupérer les courses et se répartir dans les voitures, et c'est parti pour rejoindre Carine et Nolwenn qui ont pris de l'avance pour arriver plus tôt au gîte, pour l'état des lieux.
C'est parti, donc, direction l'Est, on va dans la Meuse, jamais je n'avais eu à prendre la route en suivant un panneau "direction Metz" auparavant, ça fait quelque chose.
Après ce qui semblait être mille kilomètres en lignes droites, et avoir croisé une chouette, vingt huit biches et trois lapins, on finit tous par arriver - plus ou moins tardivement selon le type de motorisations des véhicules des uns des autres (oui, soyons sincères, il y a matière à débat entre performances affichées et performances réelles des voitures électriques) - dans un super gîte, c'est grand, c'est hyper bien chauffé, on a de beaux dortoirs, tout le monde est là et se prépare à la sortie du lendemain, Arthur montre les plans du réseau que l'on va visiter : on va aller à Sonnette et à l'Avenir, et on va démarrer par le Gouffre du Cornuant.
C'est un site assez incroyable, c'est par une immense carrière de calcaire souterraine que l'on accède aux gouffres ! Et sur la carte on note quelques envolées poétiques de toponymie, avec le Gouffre du Pet qui Chante ou le Trou de la Chiée (celui-là est dans la zone interdite de la champignonnière).
Samedi matin, 8h30, on mange, on se prépare, on veille à bien s'habiller car si il y a un message récurrent qui est bien, très bien passé lors de la préparation de cette sortie, c'est qu'on va être mouillés et avoir froid (messages plus ou moins subtils qui ont mis la puce à l'oreille, allant de "prévoyez plusieurs couches de sous vêtements de ski car il pourra faire froid et ce sera humide" à "ah putain à Savonnières, on va vraiment être trempés et se peler le cul").
On décolle, on arrive à la carrière, entrée en cavage du Pâquis sécurisée par un portail qui a du connaître son heure de gloire un jour, peut-être.
On s'équipe dans la douceur du matin meusois (ça caille et ça pleuviote) : mettre les bottes ; vouloir mettre la combinaison de spéléo prétée par l'asso (j'ai pris rouge) ; enlever les bottes ; réussir à mettre la combinaison de spéléo prétée par l'asso ; re-mettre les bottes ; sortir toute la quincaillerie de son kit numéroté prêté par l'asso (j'ai pris le kit ABIMES II) ; mettre le baudrier (non, ça doit se mettre dans l'autre sens) ; enfiler le truc du torse avec la ficelle rouge à passer dans le croll (non, encore dans l'autre sens, bordel) ; vérifier que l'on a tous ses équipement dans sa boucle de baudrier dans le bon ordre (alors, de droite à gauche je dirais : le croll, le frein, le descendeur, les longes, avec la poignée sur sa longe longue. Mais j'ai un doute. Du coup il faut toujours faire vérifier aux camarades, évidemment), et sur sa boucle cousue de baudrier sur la gauche on accroche sa pédale mais sans la faire traîner parce que sinon, bah on se casse la gueule en marchant, et son mini-kit.
Et on n'oublie pas son pantin, qui est une espèce de mini-croll d'intérieur de cheville, et qui se met comme les éperons des cow-boys, ça donne un petit style shériff. C'est d'ailleurs le seul truc que je trouve sympathique avec le pantin, qui aura été ma bête noire pendant ces deux jours. On a encore un peu de chemin à faire ensemble pour s'apprivoiser et apprendre à se respecter, le pantin et moi.
On marche une dizaine de minutes dans l'ancienne carrière pour arriver au Gouffre du Cornuant, le parcours est fléché avec un code couleurs et c'est bien pratique, car rien ne ressemble tant à un pilier de carrière de calcaire qu'un autre pilier de carrière de calcaire. Mais si personne ne fait trop gaffe à bien suivre les flèches et que tout le monde suit tout le monde en papotant il n'est pas exclu que le groupe se plante de tournant et doive revenir sur ses pas de temps à autre.
Le gouffre qui s'ouvre dans la carrière, c'est assez incroyable. C'est comme démarrer une longueur dans le bassin de la piscine municipale et passer sans transition dans une rivière sauvage : on évolue dans un espace de vide souterrain totalement anthropisé, rationnel, rectiligne et maîtrisé ; et subitement on arrive sur une faille qui s'ouvre sur les entrailles de la terre, la roche creusée par l'eau mais comme éclatée par la foudre, des volumes de vide impressionnants, et le gouffre, le gouffre immense pour qui n'a jamais été au bord d'un gouffre auparavant. P15 réel, P300 ressenti.
L'équipe équipe - Arthur, Jo, Carine et Yann- on va pouvoir descendre explorer le fond. Au total ils équiperont quatre voies .
La première descente c'est une expérience intense, et on a beau essayer d'imaginer ou se projeter : avant de l'avoir fait, on ne sait pas vraiment ce qu'on va ressentir. Personnellement, j'ai mis un petit temps à comprendre et mettre des mots sur mes émotions, à la fois sur le moment et juste après, car plusieurs se mêlent et elles sont toutes très intenses. Il y a beaucoup d'excitation, d'adrénaline, de concentration, de joie pure, de stress, mais ce à quoi je ne m'étais pas préparée et qui m'a prise un peu de court, c'est la simple émotion de peur. Et il faut savoir la reconnaitre et la maîtriser car elle peut paralyser !
C'est vraiment une excellente idée de commencer par ce puits. On descend, on remonte, on redescend, on re-remonte, et on apprend à apprivoiser son équipement autant que ses émotions, et c'est absolument indispensable.
Il est l'heure de déjeuner, on a tous faim, froid, on dévore nos sandwichs assis sur des blocs de calcaire dans la carrière, à l'entrée du puits. Léger coup de barre, on s'imaginerait bien dans un hamac.
Pour l'après-midi, le groupe se séparera en deux équipes : une ira équiper et explorer la Sonnette et l'autre ira à l'Avenir, et vice versa (et vice versaaaa) dimanche matin.
Côté nouveaux, Philippe, Ysaline et moi allons dans l'équipe Sonnette, tandis que Val décide que son futur proche se jouera à l'Avenir.
Pour rejoindre le Gouffre de la Sonnette, il faut suivre les flèches orange, et les dessins de sonnettes sur les piliers qui mettent un peu la puce à l'oreille.
On accède cette fois en se faufilant, il faut ramper un peu, et le fait d'y prendre autant de plaisir me fait songer à certains proches pour qui ce serait une certaine idée de l'enfer et conclure une nouvelle fois que décidément, on est vraiment pas tous foutu pareil, dans ce monde.
A la première tête de puits, grâce à la patience et aux conseils des coéquipiers expérimentés c'est parti pour la descente dans le très beau Puits des Grands Cercles (P30) !
Ça ruisselle un peu - en même temps ça s'appelle le Relai de la douche (à vérifier) - et on continue à descendre jusqu'à une succession de deux puits (P10 et P12) pour arriver à la salle terminale !
Petite photo de groupe "Yes we can!", c'est une sensation incroyable de terminer son premier parcours !
On mange nos collations pour reprendre de l'énergie avant de remonter. Là , le froid commence à s'installer, et je ressens pourquoi la gestion thermique est un vrai enjeu : il ne faut pas perdre son énergie, il ne faut pas perdre sa chaleur. Car ce qu'on descend, il faudra TOUJOURS le remonter.
C'est reparti pour remonter les trois puits, avec quelques variantes techniques à essayer de gérer : deux puits en enfilade (sans tête de puits, donc), puis le relais en pente, puis la remontée du grand puits avec une arrivée où c'est encore toute une affaire de s'en sortir (c'est exactement à ce moment-là - suspendue dans mon baudrier, bien sécurisée en tête de puits par ma longe, sous terre au-dessus d'un trou de 30 mètres, et totalement consciente d'être incapable de savoir quoi faire maintenant pour me sortir de là toute seule - que je me suis dit qu'être spéléologue, c'est maîtriser l'art de se mettre dans des situations à la con de façon extrêmement intelligente).
On sort vers 19h (à vérifier), on se déséquipe, on rentre au gîte où c'est le bonheur absolu car Yann a lancé la potée et qu'on peut prendre une douche chaude et se retrouver autour d'une grande table et passer une belle soirée entre discussions et musique !
Prendre une douche chaude, après une sortie spéléo, c'est une expérience de recalibrage de son échelle interne du Bonheur de la Vie.
Dimanche matin, 9h, après une bonne nuit on retourne à la carrière, et il est temps à présent de passer à l'Avenir (Jean-Michel-jeux-de-mots).
Parcours flèches jaunes cette fois.
Le gouffre est déjà équipé, c'est chouette pour nous autres débutants qui n'avons pas encore la compétence pour aller poser les cordes de pouvoir profiter direct !
Pour entrer c'est une chatière, ça ruisselle vraiment beaucoup, je suis trop contente parce qu'il faut se faufiler c'est rigolo et j'aime beaucoup c'est comme plonger dans la roche, très satisfaisant de s'engouffrer ainsi dans le caillou.
Il y a un méandre jusqu'à la première tête de puits, ou ça mouille pas mal et sur lequel il faut avancer en opposition, et c'est assez étroit sur le débouché, pas évident de trouver la bonne stratégie et le bon positionnement pour préparer son descendeur, mais c'est parti pour la première descente, et c'est superbe ! S'ensuivent une succession de descentes (combien?), et un méandre étroit ou l'on doit évoluer de profil qui me plait beaucoup, puis un dernier puits - où l'eau tombe en cascade, vivifiante douche froide - mais qui vaut la peine d'être déscendu car le fond du gouffre final est incroyablement majestueux, avec un ciel magnifique des dizaines de mètres plus haut, et de multiples couches de roches qui peignent une toile magnifique.
L'Avenir, c'est mouillé. L'eau qui cascade au fond fait un bruit assez assourdissant qui disparait brusquement dès qu'on remonte la tête de puits et qu'on retourne dans le méandre.
On s'était fixé un objectif d'être sortis à 14h, nous l'avons largement tenu, puis nous sommes rentrés au gîte manger, tranquilles jusqu'à ce que Jo toque à la vitre pour qu'on se bouge et qu'on aille le rejoindre dehors nettoyer le matos ...
Et puis c'est l'heure de remballer et de rentrer dans nos pénates !
Je ne sais pas pour les autres, mais j'ai mis quelques jours à me remettre de ce premier voyage sous terre, ça fait partie de ces expériences qui occupent tout l'esprit, et on n'a qu'une chose en tête : y retourner.
Après ce week-end d'initiation, le traditionnel "tu te longes, tu te décrolles, tu te démerdes" prend vraiment tout son sens. Mais surtout - et heureusement - il y a toujours une équipe avec toi pour te démerder.