Stage équipier club au Puiselet : les cauchemars de l'amateur de fondue au chester

Date
30 avril 2011

Durée
2 jours

Type de sortie
Formation à l'équipement
Département
Seine et Marne (77)

Massif


Commune
Puiselet

Photos







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Descriptif / Compte-rendu
Le génial Winsor Mc Cay dessinait dès 1905 une oeuvre visionnaire et surréaliste, Les cauchemars de l'amateur de fondue au chester. L'éditeur français de ce chef d'oeuvre du 9ème art1 fournissait la recette de la fondue en préface, la suite de l'ouvrage tenant lieu d'avertissement : déconnez pas avec la fondue au chester!.

Pourquoi je vous parle de ça?
Vendredi 29 avril au soir, au mépris du bon sens le plus élémentaire, je me suis repu d'un welsh rarebit, mieux connu en France sous le nom de fondue au chester. Les conséquences en furent lourdes. Tel les malheureux personnages de Winsor Mc Cay, mon sommeil fut peuplé de cauchemars pour prendre fin prématurément vers 5h du matin (j'apprendrai plus tard que mes compagnons d'infortune furent réveillés deux heures plus tôt). Si l'ensemble de la journée semblera passer dans un brouillard d'opiomane, le welsh m'aura au moins - maigre consolation - laissé de la marge pour me rendre gare de Lyon prendre un train en direction de Nemours, en compagnie d'Emilie et Seb. Le train est un transport plein d'avantages. On peut lire, dormir, ou encore essayer son baudrier tout neuf et apprendre à faire les noeuds utiles en spéléo. C'est cette dernière option qu'Emilie retiendra. Malgré notre insistance, elle n'a pas souhaité se suspendre à un porte-bagages pour serrer les noeuds de ses longes : l'esprit pionnier se perd.
Juste à côté de nous, une jeune femme en jean moulant et bolero multicolore à paillettes se maquille façon Nina Hagen. Ultime détail, les cheveux courts coiffés à la post-punk : soit le cauchemar continue, soit il y a un symposium de fans de "Breakfast club" dans le 77. On dirait que je suis le seul à la voir : je n'ose en parler à mes camarades de peur que l'hallucination s'estompe. C'est pas tous les jours que l'on peut voyager dans le temps2.
Nous traversons la forêt de Fontainebleau drapée d'une brume matinale, le train nous laisse près de nulle part, c'est-à-dire Nemours - Saint-Pierre, sise à Saint Pierre lès Nemours. "lès" est une préposition d'origine latine, signifiant "près de". On associe ainsi un nom d'un bled inconnu avec un autre nom, non moins connu. Cela donne "truc-près-de-machin" : Preuve supplémentaire que nous sommes nulle part.
Laurent fera donc la navette avec le Puiselet-lès-Saint-Pierre-lès-Nemours, où nous retrouvons nos chers cadres et le reste des stagiaires. Abimes en force : 2 cadres sur les 3, 4 stagiaires sur les 6. La parité est respectée côté stagiaires, on va devoir bien se tenir, garder les brèves de comptoir et les pets bruyants pour une autre occasion... pourtant on se sent si proches de la nature ici que l'homme primitif qui sommeille en nous ne tardera pas à se réveiller.
En guise de bienvenue nos chers cadres nous ont préparé quelques voies folkloriques : succession de passage de noeuds, fractionnement sur corde élastique (aaah le montage avec chambre à air de Tonton Jean-Paul!), rupture de main courante... Ces aménagements pourraient justifier, outre une thérapie, une nouvelle entrée dans le dictionnaire des perversions humaines : le paranoduchordisme. Quoi qu'il en soit, ça fait une bonne mise en bouche. Pendant que certains suent ou sèchent entre deux noeuds façon Bayonne sur ces voies déviantes, d'autres apprennent les noeuds utiles à la spéléo, à savoir : le noeud de cravate, pour avoir la classe dans les cavités, le noeud de carrick, qui fait de jolis motifs, le noeud de lacet, utile pour ceux qui ne portent pas de bottes, et le noeud de chirurgien, nécessaire pour retaper un équipier souffrant de multiples fractures ouvertes. Pour ma part, le welsh continue à me plonger dans des abimes de stupéfaction et pour faire court, j'ai deux de tension, les réflexes n'y sont pas, j'ai un peu l'impression de tout réapprendre sur corde. Heureusement, l'heure du repas arrive, ça va être l'occasion de remettre les choses en place. Sensible à nos sollicitations, Jean-Paul a amené le cubi de rouge, grand seigneur, et il faut admettre que si ça ne réhydrate pas autant que de la bière l'eau, ça accompagne plutôt bien la charcut et le fromage.
Après le café, c'est reparti. Nous finissons d'explorer les voies tortueuses installées par nos cadres, puis nous équiperons chacun une voie simple, sous la bienveillante surveillance et les conseils de nos bons Maîtres. Une difficulté s'ajoute : une grande partie du matos Abimes est de sortie dans les Causses. Il ne nous reste que des cordes de 50-60 m, et des amarrages limités. Nous allons devoir composer avec des as, des clowns, des maillons rapides, des dyneemas, un nombre de tuiles et de mousquetons à vis limités. Au final ce qui pourrait passer pour une pénalité est un avantage pédagogique : cette pénurie de matériel nous impose de bien choisir le matériel et de l'adapter au mieux à la situation... On ne sent pas trop la pénurie pour l'équipement de nos premières voies, relativement simples, par la suite, il faudra effectivement gérer au plus juste avec nos porte-matos allégés. Le soleil tape sévèrement sur la paroi en ce début d'après-midi... les genouillères font suer des genoux, et le t-shirt noir à manches longues n'était pas la meilleure option! Il ressemble vite à ces t-shirts décolorés à la javel des années 70... sauf que les cercles concentriques sont de la bonne vieille sueur séchée. Ça va être la classe américaine, dimanche soir, dans les transports en commun.
Fin de journée, nous déséquipons les voies installées par les petits camarades, lovons les cordes et rangeons les amarrages.
Direction le Grillpiz-lès-"La zone d'activité". Cette fois-ci, pas de films-qui-font-peur comme au stage PAS. Un débrief, accompagné du support pédagogique accompagne l'apéro. Entrée/plat/dessert arrosés de vin de Touraine et d'un peu d'eau pure pour renouveler nos précieux fluides corporels.
Retour à notre abri sous roche. Ce soir nous arriverons enfin à faire un feu. Faut admettre que le temps est plutôt sec par rapport à notre dernière session au Puiselet. Session "La guerre du feu" à grand renfort d'Ulam. Notre vocabulaire est limité, ça donne quelque chose du genre "atrRrRrrrr". Repris de façon gutturale à plusieurs, ça pourrait légitiment faire peur à un éventuel promeneur égaré... ajoutons à cela le fait que je me balade avec une machette en quête de bois pour alimenter le feu.
Jean-Paul ira dormir à l'écart sur son lit de camp Auchan de 1985, même si on l'assure que la place qu'il a choisie nous a servi de pissotière toute la journée et que dans la nuit, l'esprit embrumé, des incidents pourront toujours survenir. Jasmine trouvant que l'on pue plantera sa tente à distance. Le reste s'entassera sous le rocher dans une communion de ronflements et d'odeurs animales.

Huit heures, réveil de la tribu. Petit déj, et on repart avec nos cordes... l'objectif est d'équiper des voies différentes de la veille. Toujours la même contrainte avec le matériel d'amarrage, on se répartit équitablement clowns, as, dyneemas etc. Amarrages naturels, sur broches, têtes de puits, mains courantes, déviations etc., tout y passe. Nous commençons à être plus fluides que la veille, la vigilance de nos cadres peut se relâcher...
Pause déjeuner. Je persiste à manger ma poêlée de fayots comme tous les dimanches au Puiselet.
Dernière partie du stage : équiper une voie sans encadrement (sinon le minimum syndical afin d'éviter décès ou maladie invalidante), avec des impératifs de passages. Pour ma part, c'est départ sur broches avec chaise double tressé, main courante (avec vrai noeud papillon), puis pendule, frac, et descente plein vide sur plaquettes/spit. Toujours un peu d'appréhension à faire de l'oppo quand il y a du volume en dessous, mais en sécurité sur corde et longe, ça passe assez vite : on se concentre sur les gestes techniques et non sur la hauteur qui nous sépare du sol.
Seb plante son premier spit sur une voie pour doubler un dernier frac qui était jusqu'alors sur amarrage simple. On dirait un gosse devant le sapin de Noël : tant de bonheur est communicatif, si bien que je reste suspendu dans mon baudard à le regarder suer en plein soleil pendant que je suis à l'ombre... Laurent dispense d'indispensables conseils depuis le sol tandis que je le vanne comme à mon habitude. Pour peu, on dirait une équipe de cantonniers au travail.
Fin de journée : debrief sur nos équipements, ce que l'on aurait pu améliorer, ce que l'on aurait pu éviter... dans l'ensemble, on dirait que nos chefs sont plutôt contents de nous! C'est le premier week-end d'encadrement en responsable de stage pour Jean-Paul depuis longtemps, et son enthousiasme est visible...
Afin de bien marquer les esprits, ce dernier nous fera une démonstration de couper de corde avec frottement corde contre corde : c'est une affaire de secondes. Pas la peine de nous convaincre davantage de lutter contre le principal ennemi de la corde et du spéléo : le frottement.
Retour tranquille sur paname, même pas d'embouteillages... Suis dans une voiture de filles, mais on doit quand même rouler fenêtres ouvertes... allez savoir pourquoi. En tous cas, ça me change. Pour une fois on ne parlera pas du dernier truc bizarre qui nous a retourné la tête (et l'estomac), mais de politique!
Pendant le même temps, une autre petite camarade, dans une autre voiture, a bien du mal à digérer le sandwich acheté l'avant-veille, dont la chaîne du froid n'a pas été respectée...
Arrêt porte de Vanves, je manque de me faire écraser en récupérant mon sac dans le coffre, la conductrice ayant négligé de mettre le frein à main. Est-ce que ce genre d'accident entrerait dans les statistiques de la FFS? Retour en métro, avec mon chouette t-shirt noir à auréoles 70's, tout embaumé de ma piquante odeur de SSDF (spéléo SDF), pas assez piquante toutefois pour me garantir une plate-forme libre sur l'immonde et surchargée ligne 13.

Pour en revenir au welsh rarebit, il apparaît, de l'aveu de l'auteur, que Les cauchemars de l'amateur de fondue au chester sont une parabole des visions provoquées par l'usage de drogues. Winsor Mc Cay devient ainsi l'auteur le plus précoce de la beat-generation.


Samuel



1 : Pierre Horay pour la première édition française
2 : enfin si, pour ceux qui ont suivi la fin de cet épisode


Participants

Jean-Paul C. , Sylvain C. , Sébastien G. , Jasmine L. , Samuel L. , Emilie M. , Laurent R.

Commentaires

Commentaire posté par Gaëtan le 18/05/2011
Sam, il faut que l'on t'informe d'une décision du bureau. Tu as été nommé rédacteur officiel des comptes-rendus des sorties. Ne cherche donc plus à quoi occuper tes prochains week-end dans les 10 ans qui viennent : tu seras en week-end spéléo ...

Commentaire posté par Samuel le 18/05/2011
merci Gaëtan!
en même temps j'avais pas vraiment prévu de faire autre chose de mes week-end...