Salaisons à Baudin

Date
07 mai 2011

Durée
12 heures

Type de sortie
Classique
Département
Doubs (25)

Massif


Commune
Nans sous Sainte-Anne

Photos







En voir +
Descriptif / Compte-rendu
Pour cette sortie dans le Doubs, faute de véhicules disponibles, nous empruntons exceptionnellement le minibus de l'office des sports. Sept spéléos, deux cavités différentes. Pour notre part, le trou est juste derrière le gîte. Les autres petits camarades pourront user du minibus à leur guise.
Par chance, notre chauffeur s'est fixé un défi insensé qui nous rendra bien service : 24 heures sans boire une goutte d'alcool. Objectif : arriver au gîte à minuit une. Avantage : la même personne conduira pendant tout le trajet pendant que ses petits camarades picolent gentiment. Merci Sylvain, pendant que tu te fais du mal, on renouvelle nos fluides corporels avec de la bonne eau de source du Bas-Rhin.
La valise de kro rangée dans le coffre est astucieusement accessible depuis l'habitacle du minibus. Nous ne mourrons pas de soif. On valide le concept alors que le périph n'est pas encore franchi : le trajet promet d'être sympa. Jean a apporté sa collection de faits-divers et nous régale les oreilles de la misère humaine. On boit du petit lait en l'écoutant, plus précisément la bière susnommée. Pause diner dans une station service, on a apporté de quoi bivouaquer en mode "scuse le dérange". Il était temps de s'arrêter, nos copines d'Alsace demandaient avec insistance à sortir.
La nuit est tombée, plus question de lire les faits divers... on continue à siroter nos bières tranquillement. Jean installé tout à son confort enchaîne mots fléchés, problème de bridge et mots croisés. Je finis péniblement un roman à la lueur de sa frontale avant de tenter de porter assistance à l'Homme de Lettres cruciverbiste. Tout ça nous amène doucement au lieu d'étape en quatre lettres à minuit une comme prévu : notre généreux pilote est libéré de ses voeux, et peut nous accompagner à la dégustation de cette boisson malto-houblonnée en cinq lettres. Lieu de repos en trois lettres.
Le sommeil peine à venir, les satanés ronfleurs s'endorment toujours les premiers pour le plus grand bonheur de la communauté. En l'occurrence, on a droit à du très lourd, une espèce de bouquet final avant l'intervention chirurgicale qui est censée corriger le problème, des bruits organiques d'un autre monde à moins qu'il se fut agi d'un tremblement de terre. La légende dit que notre champion ronfleur a perdu son acuité auditive à un concert de Black Sabbath, et que pour ne pas être importuné par ses propres ronflements, il coupe juste le son de son appareillage... Dans la chambrée, c'est le drame. Chacun cherche à tâtons des bouchons d'oreille, ou en bricole de fortune avec des mouchoirs en papier ou de la mie de pain... La fatigue de la semaine et la légère ébriété finissent par avoir raison de nous. Réveil brutal dans la nuit, devenu désormais habituel, aux cris d'une camarade qui souffre de désorientation lorsqu'elle dort à l'extérieur. Ronflements à nouveau. Faire le vide dans sa tête. Dormir. Noir.
- krrrrr
- je suis le sergent d'armement Hartman, et votre chef instructeur. A partir d'aujourd'hui vous parlerez quand on vous parlera et le premier et dernier mot qui sortira d'votre sale gueule ce s'ra chef, est-ce que c'est bien clair tas d'punaises?
- chef oui chef!
- mon cul j'entends rien! montrez qu'vous en avez une paire
- CHEF OUI CHEF!
... oooh bordel... ai-je dormi? il est 9h et j'ai l'impression d'avoir entendu sonner à l'horloge de l'église chaque heure et demi-heure. Yannick nous fait goûter à son réveil spécial commando, la désormais classique scène d'introduction de Full Metal Jacket. Ses sept minutes de dialogue de haut vol viennent à bout des dormeurs les plus récalcitrants.
Courses de subsistance à la fromagerie du Lison (fromage et bière artisanale du coin, la Trobonix). Petit-déjeuner, café, puis atelier sandwiches pour le midi. On se sépare comme prévu en deux groupes. Sylvain, Stéphanie et Fabien à Folaven, Jean, Emilie, Yannick et moi-même à Baudin. On donne aux indigènes une impression de spéléos du dimanche, à partir aussi tard pour les cavités... mais arriver de Paris dans la nuit ne nous laisse pas forcément l'énergie pour nous lever aux aurores, et revenir de cavité à l'heure de l'apéro.

Petite marche d'approche sous un soleil qui tape, premières sueurs. Arrivés à l'entrée de la grotte, nous vidons déjà un bon litre d'eau pour récupérer ce qui s'est évaporé.
Les soucis avec les dudules commencent, l'acéto d'Emilie ne veut rien entendre. Yannick et Jean, convertis pour l'un à l'électrique de luxe, pour l'autre à l'électrique de guérilla, ricanent, et ce n'est que le début.
L'entrée de Baudin n'est pas forcément très engageante : ça ressemble à un trou de renard, les os de lapin en moins. On s'engage dans une succession de boyaux dans lesquels il faut ramper, interrompus par de courtes salles (où je tente sans succès de faire démarrer la dudule susnommée). Le courant d'air souffle mon acéto. Quand on commence par des passages de reptation comme ceux-là, on ne peut que se dire : "et va falloir se retaper ce chemin pénible dans 12h quand on sera crevés...".
Un petit puits, puis une courte reptation dans un boyau désobé nous permet de shunter l'actif. On arrive en extrémité d'étroiture en tête de puits, au dessus d'une cascade. La cavité est équipée en fixe, notre progression ne sera pas ralentie par de l'équipement. Descente, pendule, puis vire. Le paysage est assez impressionnant, avec la cascade derrière nous... pourtant Baudin est à l'étiage. Quand ça y va à gros bouillons, ça doit être assez dantesque. Je suis toujours une grosse bouse sur les vires, j'ai des progrès à faire sur ce genre d'agrès qui me fatigue vite. La vire contourne la cuvette de la cascade et nous mène au dessus des premiers gours : nous avons rejoint l'actif.
S'ensuit une marche bien classique dans de l'actif, contournement d'obstacles en escalade, marche sur éboulis, passages en oppo au-dessus de marmites. De la spéléo, quoi. Aujourd'hui, Jean est tout Gershwin et la cavité résonne au son des paroles de Summertime.
Le contournement de marmites profondes en escalade nécessitera la pose d'une corde pour notre coéquipière, bien plus favorisée dans les zones basses et étroitures, que les passages en opposition ou en escalade. D'autres avaient eu la même idée avant nous, et planté des spits, qui nous seront utiles aussi à la désescalade au retour.
On finit par arriver à cette formation si caractéristique nommée "l'oreille". De notre point de vue, on peut juste l'appeler "le tarin". Nez que l'on va d'ailleurs curer avec nos kits et nos combinaisons glaiseuses car la suite de la progression passe par là. Petits passages sur corde, marche, arrivée à la salle dite "la plage". Comme son homologue des sous-sols de Paris, ladite salle est très fréquentée, mais la comparaison s'arrête là : le lieu est propre. On s'installe pour un déjeuner troglophile à base de produits locaux et de fruits secs qui auraient fort bien accompagné les copines alsaciennes évoquées plus haut. Luxe fort apréciable, Jean a amené un réchaud de guerilla qui nous permettra d'avoir du café chaud. Nos amis toxicomanes brûlent leurs cibiches, mais s'arrêtent juste au chapitre "café-clope" de la Trilogie en C, et nous voilà repartis.
Quelques passages bien boueux se succèdent, du genre de ceux où l'on perd ses bottes. D'ordinaire, c'est aquatique, mais la cavité est exceptionnellement sèche.
Nous progressons dans la galerie des plaquettes. Sa configuration est vraiment inhabituelle : on est dans un boyau de section ovale qui se desquame. Le calcaire se défait comme une peau morte de façon uniforme et tombe au sol sous la forme de plaquettes. On a du mal a détecter un quelconque pendage dans la roche. J'en appelle au plus ancien et au plus qualifié en karsto, Jean.
- Jean c'est quoi le phénomène de karsto qui fait que la roche a cette configuration ici?
- heu mmm beeen si le calcaire tombe mmmh c'est paske la roche heuuu est pourrie tu vois?
On remercie Jean d'avoir une fois de plus fait reculer l'ignorance et nous avoir donné une nouvelle leçon d'humilité.
La suite nous mène à la salle de la trémie. Des allemands y cassent la croûte. D'un coup d'oeil nous savons qu'ils sont sur le retour : leur stock de bière est épuisé. Jean nous étonne une fois de plus en conversant dans la langue de Goethe... pour ma part mes rudiments d'arrêtent à des fondamentaux du genre "noch ein Maß bitte!" ou "ein Prosit, ein Prosit der Gemütlichkeit!" pas forcément utiles dans ce contexte où il s'agit de demander le chemin le plus court pour aller voir Der Tripöd. De fait le tripode, c'est juste à côté. Un petit passage ophidien, sous un fort pendage couvert de fistuleuses, nous mène à un trou-à-rats. On tient tout de même largement à trois dans la petite salle qui abrite cette curiosité fort fragile. Scéance de photos souvenir avec le tripode. Jean tient la pose. Photos de ma gueule pour publication dans le trombino de ma boîte.
Objectif atteint : aller jusqu'au tripode. On pourrait fort bien continuer, mais il faut compter sur la fatigue du retour. Nos petits camarades seront aussi avant nous au gîte. Des esprits mals attentionnés laissent entendre qu'ils auront bu toute la bière avant que l'on arrive si on ne fait pas demi-tour dès maintenant. C'en est trop, la part alsaco-lorraine de mon sang ne fait qu'un tour. Le stock de cancerettes de nos toxicos baisse aussi, ainsi que le stock d'eau. Emilie commence à avoir sa tête à la "grand schtroumpf quand c'est qu'on arriiiive".
Demi tour donc. Un retour qui se fait doucement, avec prudence. Sur les éboulis, le calcaire glisse comme une savonnette. Mon cerveau répète à mes jambes "ne pas glisser ne pas tomber 80% des accidents sont liés à des glissades-ne pas glisser-poser bien ses pieds-pas tomber-ne pas". Nous retrouvons nos chers passages glaiseux, et alors que je me prépare à descendre avec moult précautions d'un petit ressaut, mon kit glisse et m'entraîne. Manque de chance pour l'effet comique qui aurait voulu que je m'étale de tout mon long dans 50 cm d'argile comme dans les dessins animés, je me suis contenté de tomber à genoux... bien suffisant pour en avoir jusqu'au MAVC et amuser la galerie. Le combat dans la boue, ça sera pour une autre fois.
Une marche sans histoire, mais la fatigue commence à se faire ressentir sur Emilie. Décision est prise de m'envoyer en éclaireur dans les zones humides, pendant que cette dernière marchera comme un robot dans nos pas. Vous vous trompez de gars : j'ai tendance à confondre spéléo et canyoning, plus il y a de l'eau, plus je suis content. On finit par retrouver la vire et son puits qui mène au shunt de l'actif. Jean passe en tête, pour le reste nous nous assistons mutuellement. Je passe en second dans le puits, Emilie suit, et Yannick ferme la marche. La sortie du puits n'est pas très confortable, il faut l'admettre, mais j'arrive à m'extraire et me mettre en sécurité dans le boyau sans trop de difficultés. Jean attend et veille à ce que tout se passe bien. Nous suivons son enseignement pour sortir du puits :
  1. tu te longes
  2. tu te décrolles
  3. tu te démmerdes
J'attends qu'Emilie soit délongée et en sécurité sur la main courante pour poursuivre à mon tour. Seulement, avec la fatigue, elle commence à avoir des doutes. La cascade a beau ne pas être forte, ce n'est pas facile de se faire comprendre. On répète les trois étapes. Une fois longée et en sécurité - quoi qu'encore pendue dans le puits - Jean avance pour laisser de la place. C'est l'étape trois qui pose problème. Il faut en effet sortir du puits en s'engouffrant dans l'étroiture horizontale, tout en assurant sa sécurité.
- Saaaam! comment t'as fait?
- beeen. longe courte tête de puits. décroll. mis ma poignée longée sur la main courante. pédale sur la poignée pour propulser mon gros cul dans le boyau. et je me suis délongé.
- heu. ok. ayé j'ai mis ma poignée.
- ouais mais là elle est pas tendue du tout, tu va te vautrer quand tu vas te délonger.
- ah ouais t'as raison. gniii j'y arrive pas... je suis coincée c'est-de-ta-fauuute!
Si cette conversation semble facile à comprendre, sur place ça n'est pas le cas. Je suis effectivement couché sur le dos dans le boyau, les pieds vers le puits et la tête à trois bons mètres de ma coéquipière. Si j'arrive bien à voir ce qui se passe, pour entendre et se faire comprendre, c'est une autre affaire. Comme elle peine à sortir du puits malgré l'usage de la pédale, elle poussera trop en avant sa poignée sur la main courante, et on finit par se retrouve dans la redoutée situation dite du "jambon de Bayonne", à savoir : spéléo coincé sur ses deux longes tendues. Impossible pour elle de récupérer du mou dans la poignée, faute de prises de pieds dans le puits. Yannick décide d'arriver à la rescousse par le bas. Impossible de retirer la longe courte : elle est passée dans les deux ganses du chaise double comme dans les livres, et rajouter du poids sur la corde aura tendu les ganses à bloc et encore plus emprisonné le mousqueton. Jean entend que ça discute, et se propose d'aider. Trop facile dans la théorie, mais on est dans un boyau en montée, de 50 centimètres de section. On se croise donc dans le boyau "là où c'est le plus large", tête-bêche façon kamasutra. Il finira par débloquer la poignée en tirant comme un damné sur la main courante.
Une dernière reptation, celle que l'on anticipait longue et pénible et qui s'avère rapide et sans douleur. La montagne accouche de spéléos boueux et fatigués. Il fait nuit et il faut quelques instants pour réaliser que nous sommes dehors... Au vu de l'heure tardive, je commence à faire le deuil des bières artisanales achetées le matin, mais c'est mésestimer l'esprit d'équipe des camarades rentrés avant nous.

Retour au gîte, les abîmés de retour de Folaven sont encore dans la salle commune et dissertent sur l'univers, la vie et le reste : est-ce que tout est caillou? On se raconte les exploits de la journée, la sortie à Folaven semble avoir été épique. Bière, douche (enfin pour ceux et celles dotés d'odorat), bouffe, et au lit. Cette nuit, la fatigue nous rendra étanches aux bruits extérieurs et nous offrira un beau sommeil plein de calcaire.
Dimanche, grasse matinée (9h), le sergent Hartman reste dans sa boîte. Personne n'est motivé pour remettre les couverts, le consensus mène donc à un pique-nique aux sources du Lison et au nettoyage du matériel sous le regard amusé des touristes de passage, dont Jean. Retour à Paris bien plus calme qu'à l'aller, bien qu'il restât un peu de breuvage malto-houblonné : les enfants sont fatigués par le bon air de la campagne.

Samuel

Participants

Yannick A. , Jean C. , Samuel L. , Emilie M.

Commentaires

Pas de commentaires