Compte rendu dissident numéro 1 : les Biefs Boussets

Date
12 mai 2012

Durée
10h

Type de sortie
Département
Doubs (25)

Massif
Jura

Commune
DĂ©servillers

Photos







En voir +
Descriptif / Compte-rendu

Enfin, les conditions météo nous permettent de faire le repérage préliminaire à la traversée du Verneau.
En ce vendredi soir, tout le monde est en retard et l'organisation peine à se mettre en place. L'arrivée est tardive dans la nuit et le temps que les trois véhicules se retrouvent au gîte et que leurs passagers échangent la traditionnelle bière de nuit, les premiers ronflements ne s'élèveront qu'à partir de 3 heures du matin.

Lever en conséquent, spéléo à la parisienne, et rythme décalé d'Abimes : le petit déjeuner se termine vers 11 heures... Pour gagner un peu de temps sur les lève-tard, une première équipe part équiper les Biefs Boussets (Christian, Aurélien, Yannick et Sylvain). La seconde équipe (Nathalie (du SC Chilly-Mazarin), Fabien et votre humble narrateur), moins matinale, finit de préparer la salade-de-pâtes-de-sous-terre et d'assurer le contrat café/popo nécessaire à démarrer toute journée digne de ce nom. Les camarades qui se rendent à la Baume des Crêtes (Rémi, Jean, Philippe, Loan et Djordje) démarrent aussi tout doucement, ce qui laisse le temps à Jean de faire les mots croisés du Monde avec son café-clope du matin.
Après un temps d'attente qui nous semble raisonnable – personne n'a effectivement songé à regarder l'heure à laquelle partait la première équipe – nous prenons donc la route pour les Biefs. Miracle des temps modernes, le temps que le GPS capte du signal, nous avons déjà fait cinq kilomètres dans le mauvais sens. La journée va être longue. On se décrasse les oreilles avec du René Binamé et les Ramones, et nous voilà enfin à Déservillers, traversant le village au son de Bohemian Rapsody. Peut-être que nous n'avons plus assez de cheveux pour le headbang...

Le temps est un peu crasseux, il crachotte une petite pluie agaçante (d'autant que rappelons-le, nous allons mettre nos bottes dans une perte) et un petit vent frais transmet son message de glace à travers les poils. Nous descendons le canyon formé par la perte. Le cadre est magnifique, les parois ornées de mousse et de fougères laissent progressivement la place à un beau calcaire blanc immaculé. Le début de la cavité est méandriforme. Nous franchissons une belle charnière de strates, comparables la remarquable “oreille” que l'on trouve à l'autre bout du réseau, côté Baudin. Ici et là, on trouve des ossements d'animaux, bétail malheureux emporté par des crues, ou charognes jetées là par les paysans. Nous rejoignons nos camarades dans les derniers ressauts de l'entrée. Avant d'attaquer le morceau pénible – le méandre – nous faisons la pause déjeuner dans la salle de décantation, qui confirmera son nom par les émanations gazeuses méphitiques de spéléos souffrant de malnutrition (entendre par là : régime alimentaire déséquilibré, plutôt porté vers le liquide que le solide). Aurélien et Sylvain partent en avance pour poursuivre l'équipement. Christian, bon prince, décide tout de même de les rejoindre avec le kit d'équipement, sur lequel il était assis, et une topo, à toutes fins utiles...
S'ensuit un passage méandriforme en progression au sol, puis aérien. Avec Christian, nous jugeons la progression au sol plus aisée... sauf qu'elle bute rapidement sur un passage infranchissable. Nous devons nous hâler au niveau supérieur à grands renforts de sueur et de calories inutilement gaspillées. Nous sommes donc dans le méandre décrit par la littérature. Ni trop large, ni trop étroit, mais suffisament irrégulier pour accrocher tout ce qui dépasse d'un spéléo (la liste est longue : pédale, longes, bretelles de kit, torse, longe de kit...). Assez confortable dans l'ensemble, car riche de prises de pieds et de banquettes... mais ça reste un méandre. On passe en force, on peste, on se cogne à des endroits improbables. Certains endroits sont relativement exposés et il ne vaut mieux pas imaginer ce qui se passerait en cas de glissade ou de perte de prise. Nous nous retrouvons tous salle Machin et faisons une petite pause histoire de refroidir un peu et de se réhydrater... Un passage bas et étroit nous mène dans une zone de puits. La descente se fait sans attente, les têtes de puits sont pleines de prises de pieds et pas du tout techniques. Aurélien, Yannick et Sylvain sont en tête. J'arrive au pied du dernier puits, dans une grande vasque, au pied d'un cône de calcite. Plus personne devant moi. Je regarde partout, pas de suite logique, sinon ce qui semble être une voûte mouillante que j'ai d'emblée éliminée de la liste... Christian me rejoint et l'on appelle nos camarades... leurs voix nous proviennent du passage désagréable envisagé ci-dessus.
La littérature évoque, je cite “une immersion partielle”. Si par “partiel”, on signifie que seule la tête n'est pas immergée, alors la littérature est exacte... Ce passage n'est pas franchement très agréable, et l'on n'ose songer à ce qui pourrait s'y passer en cas de crue : nous progressons dans une faille étroite dans laquelle on rampe dans l'eau... Cet affluent devient un peu plus convivial, sans pour autant prendre des proportions confortables, et enfin, nous arrivons dans le collecteur.
A partir de là, c'est littéralement de la promenade souterraine : c'est large, régulier, et le Verneau, quasiment à l'étiage, a un débit paresseux. Les parois sont par endroit complètement noires de dépôt d'oxydes métalliques. Quelques trémies agrémentent le parcours. Nous devons contourner, à l'aide de prises glissantes, un barrage rocheux sans tomber dans la peu ragoûtante mousse de crue qui s'est formée à son amont. Christian, vicieux qu'il est, passe en dernier, dans l'espoir de voir quelqu'un glisser... peine perdue, car chacun contourne l'obstacle comme si sa vie en dépendait. Nous finissons par arriver sur un éboulis qui se franchit soit en force brute terrestre avec une symbolique corde à noeud, soit en mode bourrin aquatique, avec une main courante... Avec Yannick, nous testons la seconde solution... mais il faut nager! En effet, nous sommes à la surface d'un bassin profond... nous ne quittons pas la main courante, et motivés par la fraîcheur de l'eau, le passage se fait en quelques secondes. Nous arrivons bien avant nos camarades aquaphobes, mais trempés jusqu'aux os... On nous confirmera par la suite que le passage aérien était assez pénible... Encore un peu de marche, et nous butons sur le siphon des Patafouins, orné de la même mousse appétissante que plus haut. En fait, personne n'aurait vraiment envie de se plonger là-dedans, si ce n'était la suite de la traversée... A moins que la corde du Puits de la Jonction soit équipée.
Vérification que s'empresse d'aller faire Yannick en amont. Pour y accéder, il faut grimper un glissant (est-il nécessaire de le préciser?) talus d'argile... les paris vont bon train sur ses risques de toboggan, mais le bougre parvient au sommet, sale comme un égouttier. Lui succèdent, Sylvain, Christian et Aurélien. Après un échange en règle de boules d'argiles entre ceux-d'en-haut et ceux-d'en-bas, nos camarades boueux nous rejoignent avec la bonne nouvelle que le puits est équipé... Sauf incident, la corde devrait toujours être là lorsque nous ferons la traversée. L'idée de boucler la traversée tout de suite germe d'ailleurs dans l'esprit de certains. Il faut dire que nous avons mis moins de 5 heures à joindre le siphon, en équipant la cavité... Outre le fait que poursuivre la traversée sur un coup de tête n'est pas très sage, nous n'avons de toutes façons pas assez de nourriture, d'eau, pas de topo détaillée etc. Enfin, arrivés à Nans sous Sainte-Anne – vers 3h du matin – nous serions bien en peine de rejoindre le gîte, de l'autre côté du plateau... Dommage, d'autant plus que le niveau de l'eau est bas.
Le bon sens l'emportant, nous nous résolvons sans peine à faire demi tour. J'arrive tout doucement en fin de dudule, et l'éclairage acéto m'agrémente de son lot d'emmerdes maximum (tuyau arraché un peu plus tôt dans la cavité, maintenant, piézo rendu inopérant par raclage de plafond argileux...). On me dépanne d'un briquet en attendant que le piézo sèche de son argile... Aurélien choisit de déséquiper, suivi par Christian pour la fin de la cavité. Yannick traîne toujours son sherpa avec sa néoprène gorgée d'eau, lourd comme un âne mort, et prometteur de plein de joies dans le méandre. Nous nous succédons dans les puits. Mon acéto a choisi de rendre l'âme au pied du premier puits et l'éclairage électrique est désormais en mode d'économie d'énergie, tant et si bien que je devrai attendre Christian (enfin, surtout sa lumière) pour pouvoir changer mes piles avant d'être définivement dans le noir. Le bon fonctionnement des piles n'était pas garanti après des bains successifs, et une chute dans le collecteur une heure plus tôt, mais miracle, ça fonctionne! C'est la première fois que je me retrouve quasiment en panne de lumière et rien ne m'invite à renouveler l'expérience... Nous nous regroupons salle Machin, pour une petite pause grignotage et réhydratation. Faute d'avoir emporté un sac à déchauler, je répartis avec minutie dans les sachets de congélation de salade du midi la chaux de ma dudule... sous l'oeil impatient de mes camarades convertis au tout électrique. Qu'il est bon d'avoir une acéto à nouveau fonctionnelle! Nous re-franchissons le méandre qui semblait si trivial à l'aller. La fatigue aidant, on en vient à détester le moindre caillou et la spéléo en général. Yannick n'est pas à portée de vue ni de voix, mais il est certain qu'il est en train de faire l'amour à son sherpa qui remplit le méandre dans toute sa largeur. Nous restons à portée les uns des autres avec Christian et Aurélien et nous entraidons tant que possible : ça reste une méthode plus efficace qu'épuiser tout le lexique d'injurologie sur un sherpa, peut-être plus retors qu'un spéléologue, mais certes moins intelligent. La fin du méandre est un soulagement.

La sortie de la grotte, sans histoire, se fait progressivement, comme son entrée : calcaire, calcaire/mousse, calcaire/mousse/fougères, calcaire/mousse/fougères/arbres, humus... et nous voici dans les champs. Le temps maussade du matin a laissé la place à une température clémente, et surtout un splendide ciel étoilé avec Mars, telle une lanterne sur l'horizon. Nous venons de passer près de dix heures sous terre et il est temps de rejoindre nos camarades qui doivent mourir de faim au gîte...


Samuel, qui avait commencé à rédiger le compte-rendu sur la route du retour...

Participants

Yannick A. , Fabien C. , Sylvain C. , Christian D. , Samuel L. , Aurélien S.

Commentaires

Commentaire posté par Delphine le 22/05/2012
Dans les collecteurs, les dépôts noirâtres sur les parois sont généralement d'origine organique.
Les oxydes métalliques peuvent donner de très belles colorations sous terre mais c'est finalement assez rare et souvent ponctuel.

Commentaire posté par Alain le 20/05/2012
Je ne pense pas que l'oreille à Baudin soit une charnière, c'est plutôt une coulée qui a été érodée.
Par contre, il y a bien aussi à Baudin des charnières dans les petites salles entre les passages bas de l'entrée!
A plus.