Dent de Crolles : Glaz-Glaz et sortie poisseuse!

Date
03 juin 2012

Durée
5h

Type de sortie
Classique
Département
Isère (38)

Massif
Chartreuse

Commune
Saint-Hilaire-du-Touvet

Photos







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Descriptif / Compte-rendu

Enfin de retour à la Dent de Crolles! L'an passé, malgré la pénibilité du méandre de la traversée du P40, nous n'avions déjà qu'une seule idée à l'esprit : retourner dans la Dent.

Cette session commence par des défections de dernière minute et aurait pu ne pas se tenir, faute de combattants : Aurélien ne peut se joindre à nous pour contraintes professionnelles, Yannick avec son entorse fraîchement contractée le week-end précédent au canyon doit capituler, enfin, Djordje qui tenait tant à faire cette sortie est mis K.O par une maladie tropicale orpheline. Dernier achoppement en date, Seb retenu par le travail ne pourra arriver que le samedi dans la journée.
Nous ne sommes donc que quatre à partir d'Issy vendredi soir : Émilie (dont c'est le grand retour sous terre après des mois d'inactivité), Fabien, Jean et moi-même. Sur la route, nous récupérons Alex à la sortie Beaune centre (private joke où je rappelle aux personnes concernées qu'une caisse de vin est toujours en jeu).
Nous arrivons à St-Hilaire bien tard dans la nuit : la Chartreuse c'est hélas bien loin de Paname... Une petite bière et au lit. Nous récupérons tranquillement du voyage le lendemain en farniente particulièrement honteux, d'autant qu'il fait une chaleur estivale : piscine et bronzage pour certains, lecture de l'histoire de la révolution française, rédaction de compte-rendu de sortie, dessin... À un moment, il est temps d'assurer la logistique : Fab et Alex vont à Grenoble récupérer Seb à la gare et faire quelques emplettes spéléo chez le Vieux. Nous partons avec Émilie et Jean assurer l'alimentaire et, fort heureusement, les Porter et Ale anglaises qui nous avaient tant plu lors de notre précédent voyage sont encore en vente... Le temps est lourd, l'air humide et le ciel se charge. La météo ne s'est pas trompée, ça va rincer, façon orage de montagne.
Imprudents que nous sommes, un barbecue avait été programmé. Même avec la meilleure volonté du monde, sous la pluie, le charbon de bois ne voudra pas s'allumer. Si le mauvais temps ne fait que perturber nos plans culinaires, il remet en question radicalement la sortie spéléo du lendemain, à savoir une traversée Glaz-Guiers mort par l'escalier de service. Cette traversée emprunte des portions d'actif, des passages susceptibles de siphonner et des puits qui pourraient être significativement arrosés. Il est prudent de revoir nos ambitions à la baisse.
La montée du pré-qui-tue sous une pluie battante ne soulève pas d'enthousiasme (sous un soleil de plomb comme la journée qui venait de s'écouler, non plus). Les traversées Glaz-Annette ou Glaz-Chevalier sont écartées, le chemin de retour pouvant être particulièrement scabreux sous la pluie. Rapidement, l'idée de déposer une voiture pour faire une navette le lendemain est aussi éliminée, et la décision définitivement entérinée en attaquant l'apéro. Dans l'immédiat, pas de panique : on se calme et on boit frais à St-Tropez. Bien à l'abri de l'orage, une fois n'est pas coutume, un débat théologique animera les discussions... j'ai oublié sa teneur (probablement un coup de la London's pride, délicieuse Ale aux houblons arômatiques), mais ça change de nos radotages habituels de spéléos. Nous nous couchons dans une légère ébriété et le coeur léger. Le Président est comme toujours mis à l'écart, une légende tenace le tenant responsable de ronflements inopportuns. Ségrégation mesquine s'il en est, sur l'ensemble du dortoir, un seul non-ronfleur aura bien de la peine à dormir... il nous faudra songer à l'avenir à changer notre politique d'isolement nocturne. Pour ma part, il paraît que j'ai passé la nuit à lutter contre des ennemis invisibles, il n'y a pas que la fondue au chester qui donne des cauchemars...

Réveil de la chambrée à 8h30... ça reste rude pour un dimanche matin. Il a plu toute la nuit. Le débat sur la traversée est remis au goût du jour et certains rêveurs soutiennent qu'il fera beau et que l'on peut entamer la traversée initialement prévue. Les prévisions météo locales vont trancher pour nous : si pour l'instant il fait encore beau et chaud, il ne va pas tarder à tomber des cordes. Il y a trois manières de faire de la spéléo :

  • façon John Rambo, partir sans écouter les bulletins météo
  • partir en ayant écouté les bulletins météo, mais sans pour autant en tenir compte (méthode dite des "Darwin Awards")
  • enfin, méthode probablement approuvée par l'EFS : écouter les bulletins météo et prendre les décisions que la prudence impose
Combien de faits divers commencent par « c'est bien dommage d'avoir parcouru autant de kilomètres pour faire si peu de spéléo ? »...
Avec 60 mm prévus sur la journée, on va donc éviter d'aller jouer dans des portions trop actives. La perspective d'aller se recoucher avec le moral à zéro en écoutant l'eau tomber traverse les esprits. Finalement, Jean arrive à nous concocter un petit programme sans risque, une boucle depuis le Guiers mort, dans du fossile, qui nous garantira quelques heures de spéléo sans risques. Le moral remonte et nous nous activons enfin. Manu nous rejoint un peu en retard et se joint à nous juste le temps de la sortie spéléo : c'est l'apanage des veinards qui ne vivent pas loin des grottes. Une petite heure de route plus loin via le col du Coq, au son des Ramones et des Dead Kennedys, et nous voici donc en bas des sources du Guiers mort. La configuration de ce côté-ci de la Dent est très différente : au paysage relativement aride de falaises et d'alpages visibles du côté de Saint-Hilaire, s'oppose ici une forêt alpine.
Les pluies de la veille ont déjà bien refroidi l'atmosphère et le sol est détrempé. Nous commençons néanmoins la marche d'approche en tenue légère : torse nu, en caleçon, ou encore en maillot de bain... en spéléo comme en ville, la classe est avant tout une question de style.
Une petite heure de marche d'approche nous attend, avec rien en commun avec le pré-qui-tue en termes de pénibilité... c'est une balade de montagne sous couvert forestier... et bientôt couvert pluvieux. A mi-chemin, le genou malade de Seb se réveille et le contraint la mort dans l'âme à abandonner sa sortie spéléo (voir photo). Il nous confie le bidon contenant le repas du midi, et repart sans se retourner avec - on l'imagine bien - le moral dans les chaussons néoprène. L'on reprend notre ascension vers le Guiers, après cette nouvelle défection. Émilie, qui n'a quasiment pas pris de petit-déjeuner, commence aussi à tirer la langue... à tel point que l'on pourrait craindre un autre départ !
Qui arrivera jusqu'en haut et fera de la spéléo? Quatre désistements, ça commence à faire beaucoup. J'en viens à élaborer dans ma tête un scénario façon Destination Finale : et si nous allions tous mourir dans une crue de dimensions bibliques et que les autres, épargnés par la catastrophe, se retrouvaient en sursis? (on peut se réjouir en se disant que dans Destination finale, les survivants meurent un à un dans des conditions horribles et, il faut l'avouer, assez visuelles...)
Bon gré mal gré, sous une petite pluie agaçante, nous arrivons presque au complet aux sources du Guiers mort : les heureux élus qui feront de la spéléo aujourd'hui sont donc Émilie, Alex, Manu, Jean, Fabien, et moi-même. La nature nous offre de bien beaux spectacles. La cascade en contrebas était déjà un avant goût... et entrer dans une grotte par un porche d'où surgit une cascade, ça a quand même de la classe!
Entre la météo pourrie et 4 défections sur 10 participants pressentis, cette sortie était placée sous le signe de la poisse et on peut déjà considérer l'arrivée au porche comme un petit miracle en soi.
Nous prenons le repas du midi le long de la vire d'entrée, déplorons la quasi absence d'eau de boisson... pour cause, elle est sur le dos de Seb, déjà en route pour une journée solitaire au gîte. Nous n'avions pas forcément prévu de penser à lui, mais son souvenir nous accompagnera à chaque fois que nous aurons soif, jusqu'à effacer l'empathie naturelle que l'on peut avoir pour un camarade contraint à ne pas faire de spéléo. Pour dépannage, nous préparons tout de même deux bouteilles d'eau du Guiers au micropur... On s'équipe, chargeons nos dudules dans le Guiers et nous engageons dans la grotte.
Aux grands volumes de l'entrée succède le bien nommé réseau sanguin dont on m'avait tant vanté les joies. Nous grimpons un éboulis et, sur la droite, un trou pas forcément engageant au ras du sol : l'entrée dudit réseau... Dans ce réseau étroit et bas, on apprendra à faire de la brasse dans les cailloux pour franchir des passages bas, probablement en souvenir de vies antérieures reptiliennes et, d'une manière générale, à faire l'amour à la pierre dans plusieurs positions. On progresse par endroits la tête sur le côté, casque contre le plafond et il faut écarter les pierres pour que le ventre passe... La pénibilité de ce réseau est cependant, je dois l'avouer, surfaite (facile de dire ça quand on ne traîne pas de kits, n'est-ce pas Fabien?). Nous cheminons ensuite enfin debout dans une faille, puis c'est reparti pour un peu de quatre pattes sur un plan incliné qui sera plus avenant au retour. Nous arrivons dans une salle au pied d'un puits très légèrement arrosé, le puits Pierre. On commence à la verticale, puis après un petit palier, le puits se poursuit dans une diaclase. La sortie du puits se fait sur le dos, pied contre la paroi d'en face. Après une petite main courante, des banquettes naturelles permettent de se poser et d'attendre les camarades encore en bas du puits : la nature fait bien les choses, il manque toutefois un extracteur de fumée pour nos camarades fumeurs... Nous reprenons la route par un passage glaiseux incliné et bas, autre toboggan qui sera sympa au retour... arrivés au sommet de ce passage, un mur de pierres sèches incite à poursuivre à droite... La Dent est un tel labyrinthe que cairns et murets y sont fréquents, balisant les traversées classiques...
Nous voici donc dans de belles galeries fossiles spacieuses, taillées dans un beau calcaire blanc et à l'argile grise : autant de couleurs (ou plutôt d'absence de couleurs) qui reflètent la lumière de nos lampes et donnent tout son volume à la cavité. C'est ce que j'apprécie particulièrement dans les cavités du Vercors et de la Chartreuse... Après les galeries Paul et Perquelin nous arrivons à une main courante donc on a du mal à tout de suite saisir l'utilité... et pourtant! Celle-ci permet de contourner sans dangers l'impressionnant puits Isabelle : 60 mètres, large, imposant. La scurion de Fabien révèle toute son ampleur : le genre de puits qui colle la trouille. Une courte galerie puis une nouvelle intersection : nouveau point topo. La suite est à droite, la galerie du solitaire. On progresse en randonnée souterraine, en profitant du paysage... Par endroits, des bruits d'eau nous parviennent, preuve que la montagne est vivante. Ça et là, des petits bouts de méandre où l'eau coule à gros bouillons... Nous passons devant quelques discrets spits, qui ont servi à monter un bivouac... La paroi témoigne du lointain travail de l'eau en régime noyé. A la prochaine intersection, nous poursuivons à droite, afin d'arriver face au puits Noir, et finir notre boucle par le cheminement classique de la traversée Glaz-Guiers mort.
La configuration devient méandriforme et l'on avance parfois en opposition. Le puits mystère, que l'on entend pleuvoir depuis la galerie, va exciter la curiosité de la moitié de l'équipe, qui reviendra déçue... (la littérature décrivant ledit puits comme dantesque en cas de crue... il faut croire que l'on n'était pas en situation de crue). Plus loin, nous franchissons le puits Moulin en sécurité avec une main courante sur un pont rocheux. C'est la première fois que nos camarades habitués de la Dent de Crolles y voient l'eau couler, preuve que dehors, ça doit tomber dru... La roche bien lavée, nous sommes dans des parties actives. Une vire sécurise le contournement du puits et l'on imagine sans peine combien le passage devait être dangereux avant la mise en place de cet équipement fixe. Un peu plus loin, la galerie coupe un puits (dit des Commères), qui nous rappelle à la prudence... et aussi à quel point la Dent est un gruyère d'une densité fantastique ! On pourrait comparer la topographie de la Dent de Crolles à gros plat de spaghetti. La physionomie des galeries que nous avons parcourues est suffisamment variée pour justifier pleinement le déplacement : galeries concrétionnées, galeries en méandre, galeries fossiles de régime noyé, galeries en joint de strate...
Le cheminement finit par nous conduire à nouveau au puits Isabelle. Cette fois-ci, bien à l'aise sur nos longes, nous ne résistons pas à la curiosité d'y jeter des pierres pour en apprécier la profondeur... le bruit de la chute met plusieurs secondes à nous parvenir, en vertu des lois de la physique (d = 1/2 gt2, g = 9.8 m/s-1, si on tient pour négligeable le temps que met le son à nous parvenir), dont les souvenirs lointains animeront la discussion au moins jusqu'au puits Pierre. Autant ce dernier a été facile à monter, autant la grosse corde de 12 mm refuse de glisser dans les descendeurs, même en alpha et sans frein... À nouveau, le réseau sanguin et Alex, qui a été sherpa ou bête de somme dans une autre vie, se traîne toujours deux kits, dont on n'aura pas le cœur à l'en débarrasser. La sortie se fait sans encombres, d'autant que la première partie est en pente dans le bon sens... Dernières brassées dans les cailloux issus de la gélifraction et nous voici dans la grande salle d'éboulis qui précède le porche de la grotte. Le débit du Guiers a significativement augmenté, mais la sortie reste sans dangers.
À la question « se déséquipe-t-on avant de redescendre », la nature a une réponse toute trouvée : il pleut copieusement. Le paysage est complètement bouché. Nous redescendons sur un chemin détrempé dans une ambiance de film fantastique. En face de nous, la forêt est toute eau, vapeur et brume... Le parking a commencé à se transformer en piscine et nous laissons là Manu qui arrivera à l'heure pour l'apéro en sa contrée de canuts. Une fois n'est pas coutume, nous rentrons en sous-combinaisons. Malgré un choix musical judicieux, les passagers ne tardent pas à somnoler, bercés par Motörhead.

Nous retrouvons Seb au gîte, qui s'est emmerdé comme un rat mort. La météo aidant, le barbecue se transforme en cuisson à la poêle et la poêle en déchet classé Seveso. Nous sommes mis au défi de terminer les bouteilles de vin de la Réserve Présidentielle commencées la veille. La Chartreuse apportera le coup de grâce et le gîte s'endormira dans un concert de ronflements bien plus terrible que la veille...

Samuel


Participants

Emmanuel C. , Jean C. , Fabien C. , Sébastien G. , Samuel L. , Emilie M. , Alexandre V.

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