Anthropologie spéléologique animalière

Date
31 mars 2012

Durée
2j

Type de sortie
Formation secours
Département
Seine et Marne (77)

Massif


Commune
Larchand

Photos







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Descriptif / Compte-rendu
Tout commence un matin brumeux, alors que les être nocturnes et sylvestres s'en sont retournés dans leurs terriers et âtres respectifs. La forêt, encore tranquille, attend impatiemment les premiers rayons de soleil pour se réchauffer et faire évaporer les perles de rosée qui habillent les délicates aiguilles des pins.

Quelques chants d'oiseaux retentissent, encore discrets car, bien que ce soit le printemps, les températures et la météo jouent les prolongations de l'hiver. Dédé la taupe est en train de se brosser les dents - le sable de la forêt de fontainebleau lui colle un peu aux babines - quand, soudain, des bruits étranges se font entendre. Passant un rapide coup de chiffon sur ses binocles embuées, Dédé se dirige à pas empruntés (pensez qu'il n'y voit goutte, même avec ses lunettes) vers la source de ce bruit saugrenu, mais néanmoins matinal.

D'étranges appareillages semblent glisser sur le chemin en contrebas de son territoire. Point de pattes ou autres ailes plus ou moins diaphanes, non, ces étranges créatures peu discrètes sont posées sur des boudins ronds et noirs. Elles finissent par s'immobiliser sur le bord du chemin. Des êtres bipèdes sortent miraculeusement par les flans de ces bidules - comment les nommer autrement ? - qui ont cessé de faire ce bruit détestable, si vrillant pour les oreilles de notre petite boule de fourrure myope. Mais les êtres se tenant sur deux pattes ne sont pas moins bruyants ! Et commencent à s'égayer sur le chemin qui monte.

Le premier réflexe de Dédé est de prendre la fuite vers son terrier confortable et de rejoindre Mimi, qui doit déjà sommeiller tranquillement dans leur petit nid douillet ! (certes elle ronfle, mais bon ... c'est ainsi ...) Mais les êtres à deux pattes s'essoufflent rapidement dans la pente et font déjà beaucoup moins de bruit ! De tels animaux, incapables de gravir un petit chemin montant sans s'essouffler, ne doivent pas être si dangereux que ça et, de plus, Dédé n'est pas le moins curieux des animaux de la forêt... Il interrompt sa fuite et rejoint son point d'observation qui donne sur la petite clairière au bas du gros rocher. Car il se rappelle maintenant, c'est à nouveau la période où ces drôles animaux, déjà peu gracieux sur deux pattes, viennent tendre leurs toiles sur le gros caillou et s'y suspendre d'une manière encore moins gracieuse - oui, cela est possible !

Dédé les regarde s'installer, déployer une grande fourrure bleue et y déposer toutes sortes d'objets hétéroclites, qui tantôt ressemblent à des fagots souples, tantôt à de petits cailloux étranges, tantôt à des vers de terre... Ce qui lui fait penser que s'il veut faire quelques découvertes anthropologiques aujourd'hui, il devra rester un certain temps à son poste d'observation, donc qu'il lui faudrait prendre un petit en-cas et quelques réserves de nourriture pour la journée. Car, il le pressent, cela risque d'être fort intéressant aujourd'hui ! Il sort de son état de contemplation - les deux pattes ont allumé des flammes bleues, sur lesquelles ils ont posé une gamelle d'où ils ont tiré un liquide noir qui semble leur redonner vie (et donc les font refaire un bruit du tonnerre !) - et se rend dans son petit terrier.

Il se jette sur son frigo à la recherche de quelques vers de terre bien frais. Point de bière ici, nos petits amis de la forêt ne connaissent pas ce doux breuvage. Gageons que sinon ils en feraient une grande consommation. Mais réjouissons-nous également, car pensez à ce que serait une balade en forêt où l'on pourrait croiser des sangliers complètement raides ou des écureuils rendus belliqueux par l'alcool, en train de lancer des noisettes sur tous les passants !

Bref, le temps de son incartade (Dédé avait finalement grande faim et au lieu d'un en-cas s'est offert un vrai et plantureux repas), des fils pendent déjà au caillou, avec quelques uns des deux pattes déjà collés dessus, d'une manière assez incongrue du point de vue d'une taupe. Les gestes sont saccadés et certains sont bien hésitants, tantôt montant, tantôt descendant sur ces fils, sous le regard d'autres deux pattes, bien campés au sol et semblant donner des conseils (plus ou moins utiles).

Après quelques allers et retours, des deux pattes, qui semblent être les chefs, s'amusent à faire des nœuds sur les fils et poussent d’autres deux pattes, qui semblent être en apprentissage, à monter sur les fils ainsi noués ! Dédé trouve cette pratique fort curieuse, car, à son humble avis, pourquoi se compliquer la vie à faire des nœuds sur un fil !! D'ailleurs, Fifi l'araignée, une amie à lui qu'il croise de temps à autre, surtout quand il s'empêtre dans ses toiles faute de les avoir vues, ne fait que pester lorsqu'elle trouve un nœud sur ses fils. Dédé sent qu'il n'a pas encore assez étudié ces sujets d'observation pour en comprendre toutes les actions. Il commence par contre à comprendre certains des termes utilisés : "conversion", "passage de nœud", "petite longe", "croll" ... sans toutefois saisir toutes les subtilités de ces borborygmes.

Les voilà d'ailleurs à utiliser un petit bout de ficelle pour monter à la corde, de manière bien peu efficace, alors qu'ils ont normalement des sortes de pinces, bien pratiques pour progresser. Il faudra d'ailleurs qu'il en parle à Fifi, qui tombe de temps en temps de sa toile et reste pendue au bout de son fil quelques temps avant de remonter. De telles pinces lui permettraient de rester bien ferme sur ses fils, car il l'a bien vu, même si c'est un peu flou quand même, aucun des deux pattes n'est encore tombé !

Au même moment où l'estomac de Dédé se réveille pour lui transmettre l'information sur sa vacuité, les deux pattes redescendent de leurs câbles, étalent une grosse fourrure orange sur le sable et s'y jettent pour ripailler. Dédé lutte quelques minutes contre ses bruits gastriques afin d'observer les coutumes alimentaires des deux pattes, mais tout ce qu'il voit le dégoûte : des bouts de bois beiges, souples et blancs à l'intérieur, dans lesquels ils placent des tranches souples ou étalent une sorte de terre, tout en appelant ça "sandwich",et d'autres aliments avec des noms tout aussi biscornus comme "salade" ou "nouilles". Pas la trace d'un seul ver de terre, grillon ou autre scarabée. Beurk ! Dédé s'enfuit avant la nausée et se retranche dans son terrier encore tout tremblotant, les poils hérissés.

Il lui faut un certain temps pour s'en remettre. Pensez-vous, même la vue des appétissants vers de terre de sa réserve spéciale lui donne des frissons ! Au début tout du moins, car, finalement assez rapidement après avoir vu une telle horreur, Dédé se reprend et reprend du ver de terre également...

Gigi, sa grand mère du côté maternel, lui disait toujours que la curiosité est un vilain défaut. Dédé était alors un enfant, certes respectueux, mais ni sage, ni obéissant. Quelque part, il n’a pas changé depuis. Pesant le pour et le contre entre deux aspirations de vers délectables, Dédé envisage de retourner en surface continuer ses études anthropologiques qu'il compte bien publier un jour ou l'autre dans l'Echo des Terriers, journal à petit tirage, mais de renom. Un ronflement un peu plus vigoureux de Mimi le décide. De toute manière, avec toute cette excitation, il n'arrivera pas à dormir cet après-midi.

Toutes les atrocités ont une fin, dit-on, et celles en surface ont eu la leur, terrassées par la faim des deux pattes. Il ne reste pas bezef de nourriture, au grand soulagement de Dédé, qui néanmoins évite de regarder vers les lieux de l'orgie et se concentre à nouveau sur le caillou et ses fils.

Bref, Dédé est tout excité et écarte tout grand ses petits yeux, ajustant avec soin ses binocles. Un deux pattes grimpe un peu à son fil à l'aide de ses pinces et s'immobilise. Un autre deux pattes grimpe à son tour et rejoint le premier, lui monte dessus et effectue de nombreux mouvements, avec force de grognements, imité par l'autre deux pattes. Puis ils redescendent de concert et, une fois retournés au sol, semblent assez satisfaits d'eux, un sourire aux lèvres. Ce premier coït excite apparemment beaucoup les autres deux pattes qui se mettent à faire la même chose sur tous les fils qui pendent et l'air résonne bientôt de grognements.

Dédé pense qu'il le tient, son article dans l'Écho des terriers et peut-être même une place à la docte Académie ès Sciences du Bosquet, dirigée par le respectable Bébert le sanglier. Car, à n'en pas douter, il est le premier observateur d'un accouplement de deux pattes. Voici donc le pourquoi de tous ces salamalecs sur les fils ! L'accouplement des deux pattes se réalise pendu à un fil ! Elémentaire mon cher Blaireau ! À la réflexion, tout ceci n'est pas si surprenant, bien d'autres animaux - aux mœurs étranges, je vous le concède - s'accouplent en dehors de leur domaine de prédilection, telles les fourmis s'accouplant en plein vol alors qu'elles rampent à même le sol le restant de leur vie.

Dédé s'était fait une idée sur les sexes des différents deux pattes, les femelles semblant avoir une fourrure beaucoup plus longue que les mâles au niveau de la tête. Mais force est de constater pour Dédé qu'il a mal interprété la longueur de la fourrure des deux pattes, car sinon comment comprendre que deux mâles ou deux femelles soient en train de s'accoupler ! D'autant que deux d'entre elles jouent les prolongations et l'aide de plusieurs deux pattes est nécessaire pour les décrocher de leur fil...

Dédé doit revoir l'ensemble de son raisonnement et reprendre toutes ses notes, il a certainement fait une erreur d’interprétation et doit absolument la corriger s'il veut publier ses écrits et gagner sa place à l'Académie du Bosquet !

Tout à sa réflexion, Dédé reprend son observation alors que les deux pattes rangent leur matériel et replient leur grande fourrure orange. Tout redevient calme dans les bois alors qu’ils réintègrent leurs engins de terreur, qui s'éloignent lentement, mais bruyamment, de la clairière.

Dédé soupire, la journée est terminée, il est éreinté de n'avoir dormi et son estomac redonne signe de vie, l'appelant vers les profondeurs de la forêt, vers la douceur de son terrier. Il a la fourrure toute humide, le soleil ne s'étant pas présenté de la journée pour sécher un peu tout ça et va devoir relire toutes ses notes pour tenter de comprendre ce qu'il a observé. A l'entrée de son terrier, il entend Mimi en train de s'affairer, soupire et entre doucement, la tête basse, prêt à affronter sa compagne, qui va lui passer un sacré savon d'avoir été dehors toute la journée. Il pressent qu'elle ne le croira pas lorsqu'il lui racontera tout ce qu'il a vu et préférera croire qu'il a fricoté avec leur voisine Lulu.

Ce n'est que tard dans la nuit que Dédé réussit à convaincre Mimi de sortir et venir constater par elle-même des traces laissées par les deux pattes. À peine ont-ils le museau dehors, que le bruit dantesque fait sa réapparition ! Mimi est affolée et Dédé, ébloui par des lumières violentes, ne sait plus où il est.

Voici à nouveau des deux pattes ! Enfin Dédé va pouvoir entièrement convaincre Mimi de ses dires. En plus, ça semble être les mêmes deux pattes qu'en journée, bien qu'ils soient beaucoup moins nombreux. À peine arrivés, certains se jettent sous le caillou, déploient une grande fourrure orange et s'enroulent dans d'autres fourrures. Quels drôles d'animaux quand même ! Il ne faut pas longtemps pour qu'ils s'endorment. Dédé s'en va faire de même, bien que Mimi l'incite à venir chasser avec lui. Il est trop fatigué pour ça, même si un peu excité tout de même, car il comprend que les deux pattes vont se donner en spectacle le lendemain, à nouveau...

Au petit matin, Dédé se fait plaisir pour le petit déjeuner, ver farci aux collemboles, scarabée doré et cuisses de grillon. Un repas de fête que lui a préparé Mimi avant de venir se coucher. Il se sent prêt pour une nouvelle journée d'observation et se voit déjà sur le devant de la rampe, exposer ses nouvelles découvertes et annoncer son départ en expédition dans le monde des deux pattes pour en apprendre encore plus sur leurs mœurs, et, pourquoi pas, ramener quelques spécimens pour les étudier de plus près ! Dédé revient sur terre alors qu'il shoote vigoureusement dans une racine qui traîne par là et c'est plein de jurons et en clopinant qu'il finit par rejoindre son poste d'observation.

Rien de bien neuf sous le soleil, qui heureusement pointe un peu son nez. Un des deux pattes à tout de même allumé un feu au pied du caillou, où à tour de rôle, chacun des autres deux pattes vient faire un tour plus ou moins long, approchant qui les mains, qui les pieds, qui le postérieur des flammes. D'une manière surprenante, les deux pattes sont à nouveau au complet, certains ont du passer la nuit en dehors de la forêt. Dédé entend même prononcer un mot, "hôtel", dont il n'arrive pas à comprendre le sens.

Les pseudos accouplements reprennent et Dédé voit bien d'autres opérations se dérouler, mais il a bien du mal à se concentrer, ses yeux ayant la fâcheuse tendance à se fermer tous seuls. Enfin, la matinée file rapidement et Dédé est réveillé en sursaut alors que les deux pattes font relâche pour la pause déjeuner. La fourrure orange est à nouveau déployée et les bipèdes ressortent leurs aliments de malheur. Dédé tient bon le coup pour observer ce repas et note que ce genre d'activité semble induire une certaine fatigue, car plusieurs de ces êtres se couchent et s'endorment à même le sol, sous le soleil maintenant resplendissant.

Ce qu'il ne tarde pas à faire lui-même, à l'insu de son plein gré !

Dédé se réveille enfin en fin d'après-midi, complètement déphasé, les paupières lourdes, juste alors que tous les deux pattes s'en redescendent vers leurs véhicules, qui vrombissent à nouveau pour un départ, définitif cette fois.

Las, Dédé rejoint son terrier et va chercher un petit rab de sommeil dans son nid douillet avant de se lever tôt ce soir. Il est un peu désabusé et décide de laisser passer un peu de temps avant de relire ses notes, le temps de la réflexion. D'ailleurs, peut être que d'ici-là d'autres deux pattes passeront dans le coin et qu'il pourra valider certaines de ses hypothèses ?

NDLR : Dédé finira par publier un article dans l'Écho de la Forêt, sur les habitudes alimentaires des deux pattes, qui sera plus ou moins bien reçu par la critique. Aujourd'hui, Dédé a abandonné ses prétentions scientifiques et préfère gober quelques vers bien frais plutôt que d'observer les deux pattes qui viennent régulièrement empiéter sur son territoire. Avec Mimi, il pense à déménager dans une banlieue un peu plus calme...

Marcel le Chevreuil

Participants

Yannick A. , Lorianne B. , Jean-Paul C. , Cindy C. , Sylvain C. , Rémi D. , Thi Bich Loan D. , Patrice H. , Ana L. , Djordje L. , Emilie M. , Cynthia W.

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