Traversée du Verneau par la D492

Date
01 septembre 2012

Durée
4h

Type de sortie
Classique
Département
Doubs (25)

Massif
Jura

Commune
Nans sous Sainte-Anne

Photos







En voir +
Descriptif / Compte-rendu

Nous avons exploré récemment le Verneau à ses deux extrémités (la grotte Baudin et les Biefs Boussets). Nous nous sommes ouvert pour certains les alvéoles pendant deux semaines à 2000 mètres. Il est grand temps de faire cette traversée!
La météo est mitigée et prévoit même de l'eau le jeudi... suffisamment tôt néanmoins pour permettre aux niveaux d'eau de redescendre à des valeurs raisonnables. La crue biennale a eu lieu le week-end précédent. On dit que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit.
Question logistique, on quitte le mode collectif pour du chacun pour soi. Enfin, pas totalement, Delphine fournit les salades... Chacun prépare donc son petit fourbi, selon ses goûts et le poids qu'il est prêt à porter : qui une néoprène complète, qui une pontonnière, qui un caleçon à fleurs... Quoiqu'il en soit chacun portera un kit avec de quoi se protéger du froid, de l'eau, un bidon contenant de quoi manger pour 20 heures, des bougies au cas où, une boussole, une topo, de l'eau... et une suite d'inventaire à la Prévert. Chaque gramme comptant double au bout de quelques heures passées sous terre, nous gérons nos kits au plus léger. Nous nous répartirons en groupes, chaque groupe portera un bout de corde au cas où. Et comme nous sommes motivés et remontés à bloc, nous avons même proposé au CDS de remplacer ses vieilles cordes. Ça va bien se passer, Dieu est avec nous : on ne peut pas perdre.
Pendant que nous sommes sur la route le vendredi tôt après le travail, une première équipe arrivée le matin commence à équiper les Biefs Boussets.
Nous arrivons au gîte en milieu de soirée et trouvons nos camarades occupés à boire des bières, régime impropre à une préparation sportive digne de ce nom, ce qui n'augure rien de bon. Mauvaise nouvelle, il a plu et pas qu'un peu... ils ont commencé à équiper les Biefs en mode canyon, avant de devoir renoncer et déséquiper. La météo annonce de la pluie pour le lendemain. Si on évitera la vague de crue, les conditions n'en seront pas moins mauvaises : décision est prise de reporter cette traversée à un jour plus clément. Dommage, la logistique avait prévu un repas diététique pour nous préparer à l'effort (des linguine à la roquette), alors que des Pâtes Au Gras auraient bien fait le bonheur de certains. Nous irons donc faire un tour dans Baudin, visiter des endroits que nous laissons d'ordinaire de côté et prendre des photos. Comme il n'y a plus de bonne raison à se coucher tôt, nous refaisons le monde et relançons l'économie des producteurs d'orge.

Samedi matin, temps pourri comme annoncé. C'est à peine si on voit la montagne autour de nous tellement la brume est collante. La motivation collective est proche du néant. Le petit-déjeuner s'éternise, au point presque de faire jonction avec le repas du midi. Au moment de partir dans la grotte, la suggestion de manger au chaud dans le gîte fait débat... finalement, le gros de la troupe reste déjeuner autour de la table tandis qu'avec Aurélien et Christian, nous partons pour Baudin, encore repus des tartines de Nutella d'il y a à peine une heure. Loger à Nans sous Sainte-Anne est bien agréable : Baudin n'est jamais très loin, et nous partons tout équipés. Nous traversons le Lison, ses eaux limoneuses et son fort débit nous rappellent pourquoi nous ne traverserons pas le Verneau souterrain aujourd'hui, passons devant la fromagerie, franchissons le Verneau (eaux brunes et tourbillonnantes), laissons l'académie de billard à notre gauche, enfin le gîte spéléo et le chemin détrempé qui mène à la via ferrata. Nous entendons gronder la résurgence du Verneau en contrebas. Le sentier porte encore les stigmates de fortes pluies, feuilles et branches ont été charriées comme dans un torrent. Le sol est gras et glissant.
Nous voici au terrier qui tient lieu de porche à la grotte Baudin. Aurélien vide sa vessie avant d'aller ramper et nous donne l'occasion de l'engueuler copieusement : sa dernière visite est loin dans ses souvenirs et il est justement en train d'humecter l'entrée de la grotte. Nous enfilons harnais, torses, coudières et genouillères, et c'est parti pour le ramping de début. Bon, on commence à le connaître ce ramping sale et chiant, je passe les détails. Avec le temps on a aussi compris que ça ne servait à rien d'y allumer les dudules si ce n'est pour en voir la flamme soufflée par le courant d'air. Comme, tout compte fait, nous commençons à avoir les crocs et que nous ne sommes pas certains de pouvoir manger prochainement, nous nous posons dans la salle Simon Chorvot et mangeons nos spéléo-salades en admirant l'impressionnante charnière devant laquelle nous n'avons jamais pris le temps de nous arrêter. Reptation à nouveau pour faire passer le repas, nous arrivons en amont de la baignoire, dans une petite salle d'ordinaire assez sèche et là, surprise, l'eau coule généreusement, à tel point que je prends le temps de remplir ma dudule... Nous arrivons à la salle Hope (marque du bon goût des spéléos en toponymie) en suivant un ruisseau : cette fois c'est bon, nos belles combinaisons sont toutes sales. Dans la salle susnommée, l'eau coule aussi sans mesure. La grotte est bien vivante, et l'eau tombée les jours précédents n'est pas une vue de l'esprit. Nous nous engageons en bas de la salle dans la succession de boyaux qui mène au P11 et au shunt. Dès le premier boyau, nous commençons à entendre la cascade, d'abord un grondement de basses... qui se précise à mesure que l'on s'approche. En haut du P11, plus de doute possible, ça doit cracher en bas! Dans le boyau du shunt, l'ambiance est à son comble. Les basses sont à leur plus haut, on a l'impression de faire la queue devant le Macumba un samedi soir. J'ai des bottes et pas de cravate, pas certain que le videur me laisse passer. Aurélien est en tête dans le boyau, et on entend des "ah" et des "ho" et des "la vache" mais aussi des "£%#$!" d'exclamation. On s'attend tous à trouver un spectacle de dimensions bibliques. L'imagination aidant, le ramping dans le shunt nous remplit d'excitation. Enfin nous y sommes.
Et en effet, ça débourre copieusement sous la vire, l'air est chargé d'embruns. On doit hurler pour s'entendre, le son est assourdissant, un peu à base d'électrodub suramplifié. Nous sommes un peu comme des gosses fascinés devant un bel orage... pour ma part, la puissance des éléments me redonne des sensations de tempête en mer. Hop on descend le petit pendule, puis la vire. Cette fois-ci j'ai bien anticipé : longe longue raccourcie sur croll, deux skifs acier, la vire se passe les mains dans les poches! Etrange, je ne me souvenais pas que l'eau était aussi haute à la fin du fil d'acier... d'ordinaire il faut descendre pour rejoindre l'actif, non pas monter pour rester au sec. L'eau hurle contre la roche et défile comme un torrent. Nous avançons en opposition sur des prises que nous n'utilisons jamais : pour cause celles que nous connaissons sont un bon mètre plus bas, sous l'eau... ça devient pénible parce que c'est large et que l'on n'a surtout pas envie de tomber à la baille. Aurélien avec ses grandes jambes d'araignée passe partout, en revanche, Christian et moi-même, courts sur patte bien que beaux hommes, avons un peu plus de difficultés. Nous choisissons un rocher plutôt moelleux au milieu du torrent pour boire la bière que l'on se réservait pour plus loin : nous n'irons en effet pas plus loin. Aurélien avance encore un peu, mais la progression est rendue malaisée à la fois par le courant et par la largeur de la galerie qui complique le passage en opposition. Il s'arrêtera sur le premier bloc équipé d'une corde et y boira sa 16 en nous dominant de toute sa hauteur... Nous décidons de faire demi-tour, tant il est pénible de progresser dans l'actif. Nous sommes étonnés de ne pas avoir encore été rattrapés par nos camarades, peut-être ceux-ci se sont-ils seulement contentés de jeter un oeil depuis la lucarne du shunt avant de revenir sur leurs pas? Quelques vidéos depuis la vire, et nous quittons ce paysage de nature déchaînée. La progression retour dans le shunt donne un petit effet Doppler de basses saturées dans une voiture tunée.
C'est finalement dans la salle Hope que nous croisons nos camarades. Pas trop tôt. Ils ont du au bas mot faire café/pousse café, sieste et mots-croisés avant de partir. Nous échangeons les banalités d'usage et ne perdons pas de temps : il faut passer à la fromagerie avant sa fermeture, assurer un stock de Trobonix, de Morbier et de Comté. Le ramping nous coupe un peu les pattes, on le fait aussi en courant. Nous passons devant le P4 équipé d'une échelle, et je me demande encore comment nous avons pu nous perdre aussi stupidement lors de notre dernière visite, probablement la fatigue... Comme nous sommes trempés depuis notre passage dans l'actif, nos combinaisons transportent leur quota d'argile, humus et autres ornements qui font toute la fierté d'un spéléo. A sortir de la boue comme ça, encore quelques générations de spéléo et la grotte sera propre. En seulement trois heures passées dans une grotte, nous ressortons sales comme les plages de l'Amoco Cadiz. Fort heureusement, au pied du départ de la via ferrata, nous avions repéré à l'aller une résurgence du Verneau qui crache copieusement et prendrons le temps d'y laver notre matériel façon Kärcher. C'est donc en sous-combinaisons que nous traversons le village, suscitant la curiosité des invités d'un mariage qui se tenait justement là. Un aller-retour au gîte et nous voici à la fromagerie, toujours en sous-combinaisons puantes, avec nos chaussons néoprènes chargés d'eau qui sent la vase, pour assurer l'intendance. Afin de fêter les exploits de la journée, une bouteille de Vin Jaune ajoutera une touche de raffinement. Le temps de boire une Trobonix en dévorant des fromages locaux, nos camarades sont déjà de retour, sans avoir pris le temps de laver leur matos... forcément, pour accéder à l'apéro plus vite, c'est tricher. Nous changeons un peu l'ordinaire avec le plat que nous avions choisi pour récupérer du retour de la traversée : des pommes de terre au lard et au cidre. Maigre consolation...
Nous rentrons le lendemain de bonne heure sur Paris sur fond de Fela Kuti, Gossip et autres AC/DC. Le lot de compensation pour l'échec de cette traversée, c'est au moins d'éviter les embouteillages du retour de week-end... et que le grec-d'en-dessous-de-chez-moi ne soit pas fermé. Un bon keugré pour fêter le retour à Paris, ça n'a pas de prix.

Après consultation des courbes de crue, il apparaît que lors de notre visite de la grotte, nous étions sur la décrue, avec quasiment dix fois moins de débit que la veille. Pour la plupart d'entre nous, c'était la première fois que nous voyons les éléments déchaînés, la visite à Baudin nous aura donné une idée de ce que peut être une vraie crue sous terre. Ça ne donne pas envie d'aller tenter sa chance.


Samuel

Participants

Jean C. , Fabien C. , Sylvain C. , Christian D. , Philippe K. , Samuel L. , Delphine M. , Aurélien S.

Commentaires

Commentaire posté par Alain. le 10/09/2012
Maintenant il faut viser l'hivernale seche avant les chutes de neige!