Lettres de mon Rond

Date
08 mai 2014

Durée
4 jours

Type de sortie
Stage EFS
Département
Doubs (25)

Massif
Jura

Commune
Montrond le Chateau

Descriptif / Compte-rendu
Lundi 15 mai, 7h35
Je me dirige avec mon équipement de pointe (après calcul, l'auteur de ces lignes a décidé de ne pas publier le montant concerné) vers un énième comité, rempli de gens importants, dans un salon insonorisé à la moquette épaisse, aux lourds rideaux, aux fauteuils en cuir molletonné et à la machine à café ultra-sophistiquée.
Cependant, mes neurones travaillent à un seul sujet : la spéléologie (et la magnifique œuvre littéraire qui suit). Sujet qui a été l'objet des quatre précédents jours, à l'occasion d'un stage "équipier club".

NdA : comme à mon habitude, ce compte-rendu manque cruellement d'objectivité, ne prend pas vraiment en compte les activités des autres stagiaires, et est tout à fait tourné vers mon expérience personnelle. Ce compte-rendu peut donc parfois être énervant, partial (ou partiel), et non-représentatif.

DĂ©part :
En fanfare, toujours, avec mon matériel tout neuf (ouahou ça brille !) acheté la veille (sauf l'éclairage, il y a quand même le deuxième tiers au mois de mai...). Jean-Paul convoie trois demoiselles dans son carrosse, le veinard ! Et c'est quelques heures de somnolence plus tard (me concernant), que nous arrivons au gîte.

De la vibration des tissus naso-pharyngés :
Et oui, dans les contrées éloignées où se traîne (de bon gré) le spéléo, la ronchopathie est d'une fréquence rare. L'expérience de ces quatre jours a permis de vérifier un certain nombre de lieux communs :
- le ronfleur est de mauvaise foi (après avoir passé la nuit du mercredi en face du lit d'Hervé à l'écouter patiemment débiter des borborygmes nasaux, celui-ci affirme, fringuant et neuf au petit matin : "moi ?!! je n'ai jamais ronflé !" ; je n'ai malheureusement pu répondre que par un sourire déconfit, accentué par quelques cernes, car ma fonction parole se réveillait douloureusement d'une petite nuit)
- le ronfleur est bruyant (d'accord, nous sommes en communauté, je n'ai qu'à avoir mes bouchons d'oreilles et le problème sera réglé me direz-vous.... oui MAIS, quand on additionne bouchons, casque anti-bruit, musique, et que d'un coup nous sommes réveillés par un doux bruit de tronçonneuse nocturne... il y a quelques envies meurtrières qui font surface)
- le ronfleur est énervant (évidemment, il suffit que nous commencions à tomber dans un doux sommeil pour que le camion poubelle ronfle, et puis, on réveille le camion poubelle, on commence à se rendormir, et le camion poubelle re-ronfle, et puis, on réveille le camion poubelle, on commence à se rendormir...)
- le ronfleur est une formidable source d'inspiration (et permet de se poser de nombreuses questions : du "mais pourquoi ronfle-t-il ?" (niveau facile) à "comment je fais pour le réveiller sans bouger de mon lit sans trop le réveiller mais pour qu'il arrête de ronfler pile poil le temps qu'il me faut pour me rendormir ?" (niveau moyen), à "il est 4h30 je n'ai pas dormi, demain je vais faire de la spéléo avec 2 ex-présidents de l'EFS à Vauvougier où il y a une vire mortelle (d'après Patrice), mais COMMENT JE VAIS FAIRE ?" (niveau difficile))
- le ronfleur est plutôt masculin (oui oui oui, de très sérieuses études scientifiques tendent à prouver que 40% des hommes (80% des spéléo) ronflent contre 25% pour les femmes (0% des spéléotes)...)
- le ronfleur adore la bière, le vin, les digestifs, et toutes les boissons qui ont un degré d'alcoolémie dépassant 0% (mais pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiii ?)

De la poésie :
Petite lapine blanche
Éblouissante tu fus
Tant tu es franche
Au goût inattendu

Petite lapine blanche
Ô délice des papilles
VoilĂ  ta revanche
Dans quelques effondrilles

Petite lapiche blanne
Tu m'as eue !
Je rentre dans ma cabane
Pour commander un fût !

NdA : ok, elle Ă©tait blonde, et alors ?
NdA : jusque-là, point d'aventure, point de spéléo, mais qu'a-t-elle donc fait de ses quatre jours, cette donzelle qui réveille les dormeurs ?


Le diable et le blaireau
Il était une fois, il y a fort fort longtemps, dans une contrée lointaine, un majestueux château dans un pauvre village. Louise, la belle bergère, habitait ce village depuis toujours, et elle avait promis sa main à un métayer. Celui-ci avait eu fort à faire pour conquérir le cœur de la belle, qui avait consenti à cette union après moult garanties qu'elle aurait une vie meilleure. L'union aurait dû avoir lieu rapidement, mais son fiancé, qui était en déplacement pour échanger ses produits contre soieries et pierres précieuses pour sa belle, fut fait prisonnier dans une contrée étrangère et manqua à l'appel.
Or, il arriva que Louise, seule dans sa bergerie, croisât le riche seigneur du château. Celui-ci, ébloui par sa beauté, lui proposa de l'épouser immédiatement. Louise se décida rapidement et crut que sa chance était arrivée, dans l'occasion qu'elle avait de devenir baronne. Le mariage fut dignement célébré dans tout le village.
La nuit de noce arriva bien rapidement, et alors que la Belle Louise était en direction de la chambre nuptiale, elle fut kidnappée par le diable en personne, qui l'emmenait dans son sinistre royaume des ténèbres. Il la punit de son parjure en la précipitant dans les profondeurs d'un abîme, et le lendemain, le seigneur et ses gens arrivèrent devant le gouffre d'où émanait une forte odeur de mort.
C'est cette légende qui accompagne ma descente dans le P48 de Belle Louise, quand soudain, je me sens incommodée par une odeur désagréable... quelques instants plus tard, mon sang ne fait qu'un tour : c'est une odeur de décomposition. Aurions-nous récupéré le corps de la Belle Louise ? Aurions-nous notre blaireau à nous ? De toute les façons, l'odeur est (très) désagréable.... je me dépêche de trouver des endroits confortables (et intelligents) pour fractionner, et fais part de cette incommodité à Delphine (M.) qui s'empresse de descendre. Et là, nous trouvons les auteurs de cette odeur nauséabonde : quelques rats et grenouilles crevés, en état de décomposition avancée.
Quel sort s'acharne sur Delphine, qui sort de deux jours de sauvetage de blaireau dans un gouffre (dont j'ai oublié le nom) ! Car, oui, Delphine a héroïquement sauvé de l'enfer un blaireau, mort de son état, mais dont la sépulture était un fond de puits. Après une première visite le jeudi, l'équipe du vendredi a réussi, protégée par de multiples gants et sacs (sacs poubelles, sacs à vomi, etc...), à remonter cet animal à l'aide d'un balancier sur descendeur fort bien pensé (je vous conseille d'ailleurs d'entendre l'histoire par Delphine elle-même, ça en vaut la peine, et les stagiaires, subjugués (c'est juste que j'avais envie d'utiliser cet adjectif), ont dû en tout cas apprendre en direct quelques techniques "secours" (ou démerdouille)).
Après due visite de cette cavité (très boueuse à la fin, une bonne sortie pour les nouveaux, gniark gniark), je me suis retrouvée, étant la première à remonter le P48, à devoir donner sépulture à ces pauvres animaux qui avait eu le tort de glisser dans ce trou... oui parce que le temps que j'équipe la suite (à la descente donc), Delphine avait eu tout le loisir de 1/ chercher les origines de la puanteur, 2/ être rejointe par mon binôme, 3/ sortir des sacs poubelles et 4/ circonscrire les origines de la puanteur à un seul sac poubelle.

Le méandre et le kit
Cher lecteur-spéléo, c'est la partie que tu attendais... j'entends déjà ton ricanement intérieur et vois un rictus diabolique se former sur tes lèvres.
Et bien sache que le spéléo vainc toujours !
Là, tu vas vraiment rigoler (je t'autorise) : j'ai fait mon baptême de kit-méandre lors de ce stage. Et sache que le plus dur n'était pas que le kit se coince tout le temps, ou que tu ne saches pas trop où porter ce-dit kit (en haut, en bas, à côté, à droite, à gauche), ou que tu sois déstabilisé très souvent par ce kit (de merde !), qui essaie de te faire glisser, ou de t'empêcher de monter, ou qui se coince dans ta pédale, prend un malin plaisir à s'emmêler dans tes longes (grrrrrr bordel de kit !!). Non, le plus dur n'était pas qu'il fasse douze kilos (merci les copains qui m'ont laissée déséquiper), ou que tu ne saches pas si tu dois passer avant le kit ou après dans les passages étroits.
Le plus dur, c'est d'avoir Rémy Limagne derrière toi !
Parce-que déjà, tu te dis que tu ne mérites pas vraiment ses conseils, ô toi, jeune padawan qui ne jure que par le chaise double, et mets un temps infini à équiper... Parce-que tu t'es déjà ridiculisée sur la vire d'entrée de Vauvougier (moi pas connaître vire aérienne, moi progresser lentement, moi pas douée mais moi t'écouter et essayer quand même), parce que tu as la vague impression de te débattre dans une infinité de gestes qui te fatiguent alors que le pas-tout-à-fait-encore-très-jeune (c'est politiquement correct ?) Rémy a l'air de sortir de deux heures de sieste... et surtout, summum de la honte, parce que Rémy t'a proposé de porter ton kit (j'ai dû répondre un "non" un peu agressif avec le peu de dignité qui me restait)...
Voilà, ce qui est dur, c'est de garder un semblant de dignité, alors que la seule chose que t'as envie de faire, c'est le balancer le-dit kit au fond du méandre (tant pis pour le matos), de lui hurler tout le mal que tu lui veux (j'ai essayé de me retenir mais ça n'a pas très très bien marché…) et de finir ton sandwich du midi (c’est la faute du gras d’été).

Histoire de bleus
Chaque expédition (sortie, mais si je dis expédition, on me prend moins pour une spéléo du week-end) spéléo m'apporte son lot de bleus, parfois gros, parfois douloureux, parfois d'une couleur verdâtre immonde,... enfin je peux donc narrer certains événements spéléologiques de ce week-end à l'aide de mes nombreuses marques :
- tibia droit, juste en dessous du genou, 4x7 centimètres : Brizon - fin d'un P6 : encore accrochée à ma corde, et la tête proche de la paroi, je vois une sangsue (c'est dégueulasse !), s'approcher inexorablement... le réflexe : donner un coup dans la paroi pour m'éloigner (ce qui est bien mais avec la paroi de derrière à 35 centimètres, un peu inutile, j'en conviens)... sauf qu'après, si on ne tend pas la jambe, on revient dans la paroi de la sangsue et paf le tibia (j'ai beau être matinale, j'ai mal). Manu se trouvera donc vengé de la sangsue que j'ai soi-disant voulu lui envoyer à la figure.
- bras droit, cinq centimètres en dessous de l'épaule, 1x4 centimètres : Vauvougier, vire d'entrée : j'ai dû passer difficilement (à l'aller, au retour, c'était easy... hm hm) trois points d'amarrage, et me voilà donc pendue entre deux broches, avec Rémy d'un côté (pardon pardon pardon) et le ciel bleu de l'autre. Je pense à mes prochaines vacances et au temps qu'il doit faire aux Bahamas (non c'est pas vrai, je pensais juste à ma grande longe, ma petite longe, et à ne pas perdre ni ma pédale, ni ma poignée).... quand soudain, je me hisse sur ma pédale et agrippe la corde sous le bras.... juste le temps (long, très long) d'amener ma longe au prochain point... et c'est le bleu !
- hanche droite, 3x3 centimètres : Brizon - toutes les remontées sur corde : ça c'est la faute du matos ! En plus d'avoir des longes mal réglées, mon baudrier l'est aussi, et ma boucle de sous-fessière (apparemment, sous-cutale, c'est vulgaire) appuie méchamment sur ma hanche... bingo ! Un bleu !
- pleins d'autres petits bleus : Brizon, la quasi-étroiture verticalo-horizontale (un début vertical, une fin horizontale), Vauvougier, les méandres, Belle-Louise, la belle conduite forcée, et les Cavottes, l'étroiture : et oui, quand on n'est pas très douée avec son matériel, on utilise ses genoux, ses coudes, ses bras, ses fesses, ses pieds, bref, tout ce qui peut coincer ou au contraire nous aider à avancer, tout ce qui permet d'acquérir un équilibre très temporaire, qu'on perd la seconde d'après, tout ce qui nous fait progresser dans ces (putain de) trous !

Le Chaise et le Huit
Maître Chaise, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un spéléo.
Maître Huit, par l'aventure alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
"HĂ© ! Bonjour, Monsieur le Chaise.
Que vous ĂŞtes joli ! Que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre simplicité
Se rapporte à votre efficacité,
Vous êtes la solution miracle de tous les spéléo des bois."
Ă€ ces mots le Chaise ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer toutes ses qualités,
Il se tend, glisse, et laisse tomber sa proie.
Le Huit s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout bon nœud
Vit aux dépens de celui qu'il protège :
Cette leçon vaut bien un spéléo, sans doute. "
Le Chaise, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Remerciements
Pas dans l'ordre, pas pour tout, sinon, tout le monde va se vexer...
- Patrice, pour les dîners, les soirées, les sessions nettoyage de matériel, la bonne ambiance, et, ah oui aussi, l'organisation du stage ;)
- Jean-Paul, Morgane et Laura pour avoir accepté mes siestes lors du trajet, et mon babillage le restant du temps
- Delphine, pour m'avoir aidé (grandement) à régler mon matériel
- Pascal, mon binôme, pour avoir supporté mes râleries incessantes (**"!!::;!,??^$'!!^"$!!^'('!! de merde de kit !! Bordel !)
- Hervé, mon trinôme d'un jour, pour les blagues permanentes (tiens, il parle plus que moi celui-là ! Bon, moins que Patrice quand même, soyez rassurés...)
- Manu, pour le Raumer (désolée), pour la bière (encore !), et pour les histoires de sangsues
- Rémy, pour m'avoir motivée à prendre un kit dans le prochain méandre chiant (mais moins lourd quand même)
- Philippe, pour son air vaguement narquois (la prochaine fois, je sortirai de Vauvougier debout !)
- Patrick, pour les berceuses nocturnes
- Pierre, mon binôme de lavage de corde le dimanche (on a au moins fait 8000 mètres tellement c'était long...)
- Sandrine, pour toutes ses questions (que personne n'aurait osé poser)
- Benoit et Samer, pour l'ambiancement de folie, digne d'un Patrice sur "la chenille"
- Christophe, pour le soutien financier
- Alexandre, la caution morale de ce groupe
- Jean-Marc, pour avoir accepté de me servir de cobaye pour mes tentatives de décrochement (dont une a réussi quand même !)
- Madame la Crémière, pour les délicieux fromages


Delphine

Participants

Emmanuel C. , Jean-Paul C. , Patrice H. , Philippe K. , Laura L. , Delphine M. , Delphine P. , Morgane R. , Benoit V.

Commentaires

Commentaire posté par RĂ©my L le 26/05/2014
Eh bien... Quel talent Delphine ! Tu as bien mérité tes décorations corporelles bleutées. Promis la prochaine fois, je te proposerai, spontanément et sans attendre ta supplique, de porter mon kit ;-) Bises.

Commentaire posté par J-Paul le 25/05/2014
Un puits sans fond d'inspiration. Vivement que tu fasses des -1000 pour publier de véritables romans dignes des grands écrivains spéléos. Chapeau bas !

Commentaire posté par Patrice le 19/05/2014
Excellent compte-rendu! Que d'inspiration ^^

Commentaire posté par AURELIEN le 19/05/2014
Bravo!!